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"It's no way to live."

La pudeur avec laquelle ce récit d'apprentissage décrit les pérégrinations d'un jeune adolescent paumé des contrées rurales des États-Unis est un de ses principaux (et précieux) atouts. La Route sauvage emprunte des sentiers particulièrement balisés dans son registre, mais il parvient, à défaut de les sublimer, à jouer sur une ligne de crête intéressante du début à la fin de la trajectoire.

On ne s'en rend compte qu'à mi-parcours, mais il est avant tout question d'une solitude que le portrait de cinéma vient dessiner progressivement, par touches successives, entre un père biologique peu présent et un père de substitution peu aidant. Charley a entre 15 et 16 ans et se trouve déjà confronté à des considérations d'adulte, seul. Il doit se prendre en charge, vivoter à droite à gauche, et enchaîner des petits boulots qui l'amèneront à croiser la route de Lean on Pete, un cheval en fin de course promis à l'abattoir, avec lequel il s'échappera.

Le garçon et son cheval pourraient alors constituer le symbole parfait du western ou d'un road movie plus moderne, le symbole est tentant, mais il n'en sera rien. Le film n'en fait jamais trop dans la noirceur, on ne trouve aucune trace de misérabilisme, mais on est tout de même plongé dans la quête incertaine d'un gamin lâché dans la nature, à la recherche d'un tante lointaine, comme la vague promesse d'un foyer enfin serein. Dans cette optique-là, Charley et Lean on Pete apparaissent comme de minuscules figures dans l'immensité du cadre, et tous deux semblent errer comme des âmes en peine, à mesure que leur forme physique s'amenuise.

La Route sauvage est en réalité une odyssée difficile, loin des canons d'un genre qui a tendance à magnifier l'exil et la nature. Charley refusera d'ailleurs catégoriquement de monter sur son cheval : sur ce point précis, c'est l'antithèse du film de Chloé Zhao, The Rider. On traverse de grands espaces, mais c'est l'incertitude et les contretemps qui perfusent le récit, et non l'émancipation. Seule la douceur de la note finale insuffle une petite quantité d'espoir.

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