Le Royaume sera avant tout pour moi le film de deux acteurs, non-professionnels en l'occurrence : Ghjuvanna Benedetti (étudiante en école d'infirmière) et Saveriu Santucci (agriculteur), dans les rôles respectifs de la fille et du père. J'ai trouvé d'une part leurs interprétations individuelles particulièrement convaincantes, et d'autre part la relation très attachante qui s'esquisse peu à peu entre les deux. En tous cas, deux éléments-clés dans cette fiction façonnée autour de la guerre entre mafias corses, située au milieu des années 1990 — le réalisateur Julien Colonna a apparemment puisé dans ses souvenirs et sa relation avec son père pour esquisser le portrait au cœur du film.
Derrière la façade des conventions (que l'on pourrait résumer aux caractéristiques d'un drame familial en Corse) s'affirment assez rapidement de nombreuses touches originales qui vont bien au-delà de la seule présence d'acteurs non-professionnels locaux et de la façon qu'à Colonna de jouer avec la suggestion ou le retard dans la diffusion d'informations qui permettent de comprendre les enjeux. La première heure restera globalement assez évasive, en ne montrant les tentatives d'assassinat qu'au travers du filtre de la télévision (au même niveau que la protagoniste, donc), en refusant de présenter explicitement les rôles des différents personnages qui tournent autour de Lesia et Pierre-Paul. C'est d'ailleurs en adoptant le point de vue de l'adolescente, découvrant peu à peu le passif de son père, que l'on pénètre dans ce milieu et que les grandes lignes se dévoilent. Une jeune femme subissant largement les contraintes imposées par ce groupe d'hommes (sans aucune lourdeur explicative néanmoins), qui se montrent dans l'ensemble très bienveillants avec elle, sans pouvoir pour autant la préserver des conséquences inévitables lorsqu'on parle de fusillades à répétition entre clans rivaux.
La relation intime père-fille se mêle de manière très fluide à l'intérieur d'un tableau de plus grande envergure, duquel émergera périodiquement une violence brute captée tout d'abord avec beaucoup de distance, puis de manière très réaliste — le film dans son ensemble joue cette carte pragmatique de l'immersion au sein d'un groupe social très particulier, sans expliciter l'ensemble des codes d'entrée de jeu, et l'opération m'a semblé plutôt réussie. Il parvient à alimenter une tension récurrente, soit par le manque d'information créant une certaine angoisse, soit par l'irruption d'événements violents. On reconnaît certains tics caractéristiques d'un premier film (la première séquence qui essaie d'en mettre plein la vue notamment, avec ce long travelling révélant une identité féminine au sein d'un groupe de chasseur avant qu'un gerbe de sang ne souille le visage de l'héroïne de manière extrêmement allégorique). La main du scénariste est parfois un peu lourde, surtout dans la matérialisation de quelques figures symboliques, mais j'ai beaucoup aimé la vision donnée de ce groupe d'hommes autour duquel gravite une jeune femme, leurs rapports intimes, les préparatifs de vengeance, les passages en cachette, épiés pour nous par l'adolescente.







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