nuee_d-oiseaux_blancs.jpg, 2025/04/14
Fantômes de familles

Yasuzō Masumura et Ayako Wakao, encore. Il faudra donc ajouter à la longue et passionnante liste de collaborations entre les deux artistes (Confessions d'une épouse, Passion, La Femme de Seisaku, Tatouage, et L'Ange rouge pour les plus réputées et/ou les plus marquantes) ce très obscur drame romantique sorti plus tardivement, en 1969 : Nuée d'oiseaux blancs. Mais de manière très surprenante, Wakao interprète un personnage presque secondaire, d'une part, et d'autre part, elle n'est pas du tout aussi convaincante que dans les sommets précédemment cités. Cette adaptation d'un roman de Yasunari Kawabata n'en reste pas moins séduisante sous certains aspects, dans l'observation des relations que va être amené à avoir le fils d'un professeur de cérémonie du thé récemment décédé avec les femmes qui gravitaient dans la vie de ce dernier.

Tout le film s'articule autour des interactions complexes entre cet homme de 28 ans, Kikuji, et deux anciennes maîtresses de feu son père. D'un côté, Chikako (Machiko Kyô), elle aussi spécialiste de cérémonie du thé, dépeinte comme une femme insensible, entreprenante, et caractérisée par une tâche de naissance occupant une large part de sa poitrine aussi repoussante que fascinante pour le protagoniste (un souvenir d'enfance le lie à la particularité physique de cette femme). De l'autre, madame Ota (Ayako Wakao), sorte de personnalité opposée, fragile, peu sûre d'elle, et exhibant une faiblesse émotionnelle particulièrement marquée. La première semble n'avoir jamais digéré le fait d'avoir été abandonnée par le père, et la seconde trouvera dans le personnage du fils un miroir à peine déformant de son ancien amour — quand les lignes de démarcation entre parents et enfants commencent à vaciller, ce n'est jamais bon signe, et on se doute du potentiel mélodramatique de la suite...

La tragédie prend une forme très élégante en constituant des relations imbriquées, reflet l'une de l'autre, entre Kikuji et son père pour le pôle masculin et madame Ota et sa fille pour le pôle féminin. À ce titre, l'acteur dans le rôle de Kikuji a la lourde tâche d'exister au sein de ce très solide casting féminin, et c'est peu dire que la chose reste très difficile — dans l'ensemble, c'est manifestement Machiko Kyô qui brille tout en haut et de loin, volant la vedette à Wakao, cette dernière disparaissant d'ailleurs du récit au bout d'une heure. En marge de ces considérations, Masumura travaille tout un sous-texte fait d'oppositions entre le traditionnel et le moderne, entre la cérémonie du thé extrêmement marquée sur le plan culturel national et l'environnement professionnel très occidentalisé dans lequel évolue le fils. Mais en premier lieu, une presque histoire de fantôme, de revenant, de double réincarnation, et de tourments à connotation sexuelle.

img1.jpg, 2025/04/14 img2.jpg, 2025/04/14 img3.jpg, 2025/04/14 img4.jpg, 2025/04/14