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"Don't come back until you have a husband to match the child."

Pour son premier long-métrage, Alice Wu réalise en 2004 une comédie romantique focalisée sur une communauté sino-américaine de New York en brassant un large éventail de thématiques à la fois peu courantes à l'époque et relativement avant-gardistes sur le plan de la liberté sexuelle. Et pour être tout à fait honnête, je dois avouer qu'au-delà de nombreuses maladresses dans l'écriture — donnant à Saving Face un petit côté bluette très légère par moments — j'ai été particulièrement ému par les différentes composantes qui forment le socle des romances entremêlées dans le film. Que ce soit la relation entre Wilhelmina et Vivian, respectivement interprétées par Michelle Krusiec et Lynn Chen (pour leur premier rôle de premier plan voire premier rôle tout court), ou la situation de la mère de la première, Hwei-Lan (excellente Joan Chen), le trio de femmes compose quelque chose d'à la fois touchant et pertinent, en plus d'être drôle de manière modérée.

Dans le segment "communautés asiatiques vivant aux États-Unis", Alice Wu proposait ainsi au début des années 2000 une romcom très frontale et premier degré jusqu'au happy end, beaucoup plus légère que le bouleversant Past Lives de Celine Song (2023, pour le versant sud-coréen du déracinement) et plus classique que L'Adieu de Lulu Wang (2019, sur les rapports privilégiés entre une grand-mère chinoise et une petite-fille sino-américaine) — tous deux vus récemment. À creuser mais il me semble qu'elle était quelque peu en avance sur son temps, sur ce créneau cinématographique peu fourni.

Même si beaucoup de situations relèvent aujourd'hui du stéréotype sentimental et ne brillent pas par leur profondeur sociologique, Saving Face n'en reste pas moins perspicace par morceaux quand il s'agit de mettre en scène l'éclosion d'un sentiment amoureux lesbien dans un contexte familial peu enclin à la tolérance. L'émancipation sentimentale de Wil se trouve en plus de ça entravée par son activité professionnelle, puisque c'est une jeune chirurgienne à l'emploi du temps surchargé, laissant peu de place pour sa vie sociale, la séduction ou les dîners amoureux. Michelle Krusiec compose un personnage très attachant dans sa maladresse et dans l'oppression diffuse qu'elle subit de la part de son entourage. Étonnamment, c'est en partie du cercle familial que viendra la première manifestation d'une forme de compassion : il faut dire que la mère, presque cinquantenaire, divorcée, enceinte, et cherchant à se marier à nouveau, subit elle aussi la pression sociale, mais sous d'autres formes... De quoi lui ouvrir quelques écoutilles par rapport à ce que cherche à lui dire sa fille. Le film a beau traiter tous ces éléments aliénants avec beaucoup de légèreté, en insérant régulièrement des passages comiques partagés entre le bouffon et le mignon, sans grande surprise sur le plan scénaristique, son absence de prétention et sa tentative d'apporter une pierre à l'édifice d'une représentation plus diversifiée des rapports amoureux finit par trouver un chemin très honorable sur le terrain du drame familial.

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