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Vertus et limites de l'ascension

Ce portrait tenu tout du long par Joan Crawford d'une femme issue des classes très modestes en pleine ascension sociale, au sein d'un environnement particulièrement perturbé et tumultueux, reflet des États-Unis des années 1930, appartient à cette étrange catégorie des films du Pre-Code tardif, sortis sans doute quelque temps seulement avant la mise en application de la censure en 1934. Cette dimension-là n'est absolument pas prédominante et ne conditionne en aucune manière le contenu de Sadie McKee (parfois connu sous l'appellation "Vivre et aimer" en France), mais elle contribue à créer une atmosphère assez bizarre, un peu décalée, classique au sens premier mais légèrement borderline en termes d'allusions sexuelles. Crawford incarne une fille de cuisinière, servante auprès de riches aristocrates, reconvertie en rabatteuse dans un bar après avoir démissionné suite à l'humiliation de trop, qui connaîtra diverses aventures romantiques avec des profits très différents.

Le plus remarquable, c'est celui du personnage interprété par Edward Arnold, un milliardaire faisant preuve d'une surprenante bienveillance à son égard sur son lieu de travail, et dont l'alcoolisme sera révélé un peu plus tard dans le récit. La façon de décrire son rapport à l'alcool comme une maladie terrible est particulièrement originale — et l'investissement de la protagoniste dans son rétablissement, suggérant qu'il aurait perdu la vie sans son soutien inconditionnel, rajoute une couche d'originalité dans leurs rapports. Un précédent à The Lost Weekend (1945, Billy Wilder), à ce titre. C'est avec beaucoup de douceur que le film dévoile les limites de la réussite sociale à laquelle elle aspirait profondément, en contrechamp d'un amour déçu suite à la rupture avec son premier fiancé. Le mélodrame prend le pas dans le dernier temps, en la faisant se rapprocher de ce dernier dans un sanatorium — sous le regard bienveillant de son riche mari tiré d'affaire, situation assez singulière encore une fois —afin de colorer la narration d'un filtre amer un peu précipité. Mais ces formes scénaristiques rigides sont compensées par quelques traits d'esprit, quelques répliques saillantes pour l'époque (une femme disant à deux amants non-mariés recherchant une chambre "if you've lost your marriage certificate, don't worry, very broad minded, this landlady").

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