vendredi 26 décembre 2025

Schizophrenia (Angst), de Gerald Kargl (1983)

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Immersion et enfermement dans la subjectivité

Difficile de faire plus déstabilisant et dérangeant qu'un film pareil, situé aux antipodes du cinéma d'horreur conventionnel (que ce soit dans la contextualisation du mal, dans la mise en scène des atrocités, ou dans le positionnement général). Et même s'il flatte dans une certaine mesure les stéréotypes que l'on nourrit vis-à-vis du cinéma autrichien déviant, Angst me paraît évoluer dans des sphères d'intentions qui ne partagent quasiment rien aux classiques souvent cités en comparaison, Haneke, Seidl et compagnie. La principale différence étant le positionnement moral, conditionnant à peu près toute la réception qu'on peut avoir d'œuvres comme Funny Games ou Import/Export — il fut un temps où je ne jurais que par ce genre de films, et que j'appréciais très sincèrement, mais depuis j'en suis largement revenu et je pense qu'un nouveau visionnage leur serait fatal. En tous cas, il y a dans la démarche de Gerald Kargl quelque chose qui m'est beaucoup plus intelligible, quand bien même cela ne correspondrait pas à ce que je recherche aujourd'hui et quand bien même j'aurais très bien pu apprécier un tel film dans une vie passée.

Évidemment, la première chose qui choque, ce qui nous est infligé en gros plan dès les premières secondes (après le premier quart d'heure d'exposition psychologique sous forme de récit-photo express), c'est le visage ultra-anguleux de Erwin Leder en excellent candidat au titre de psychopathe le plus flippant. Qu'il paraît loin le temps de son interprétation d'un sous-marinier dans le Das Boot de Wolfgang Petersen... alors que seulement une année séparent les deux films. Il faut dire que le travail de mise en scène et de photographie (Zbigniew Rybczynski) tourne à plein régime pour nous alimenter en plans improbables, soit par des angles et des cadrages biscornus et inhabituels, soit par le recours à la snorricam (j'ai découvert le terme en cherchant comme avaient été prises certaines images très proches en contre-plongée), un appareillage fixé directement face à l'acteur — voire au-dessus avec ajout d'un miroir au niveau du ventre de l'acteur pour obtenir la contre-plongée en plongée.

En complément de ces traits glaciaux et de l'atmosphère particulièrement lugubre qui englobe les agissements meurtriers de cet ex-détenu fraîchement sorti de prison (ah, ce laxisme de la justice qui libère à la chaîne de dangereux criminels !), un parti pris notable envahit la piste audio : on nage en pleine introspection meurtrière puisque une voix off nous narre l'intégralité des pulsions du protagoniste, ce qu'il avait prévu et ses surprises, ses intentions et la logique de son mode opératoire... Les curseurs du pragmatisme glauque sont poussés au maximum, attention aux âmes sensibles. Je n'ai pas du tout adhéré à toute la contextualisation psychiatrique du tueur (psyché dérangée du fou expliquée par une enfance difficile, en substance), mais en revanche la démarche consistant à donner l'impression d'un temps réel pseudo-documentaire entre sa sortie de prison et la fin du film est d'une efficacité redoutable, ça prend à la gorge et ça ne relâchera pas avant d'avoir fini son œuvre une grosse heure plus tard. Malgré tout le fait qu'on soit en prise directe avec ses sensations, donnant une coloration éminemment radicale aux actions qui se déroulent sous nos yeux, offre une dissonance de perception assez remarquable et originale. C'est d'ailleurs en ce sens qu'on s'éloigne du banal "histoire abominable inspirée de faits réels" (même si c'est bien le cas), puisque le contact direct avec son esprit malade se fait quasiment vecteur d'une forme d'empathie non-désirée et dans un registre surréaliste nous partageant ses nombreux déséquilibres. Sensation hautement désagréable.

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mercredi 17 décembre 2025

Rébellion (上意討ち 拝領妻始末, Jōiuchi: Hairyō tsuma shimatsu), de Masaki Kobayashi (1967)

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Patience éprouvée et rage intérieure Un peu comme The Betrayal de Tokuzō Tanaka sorti l'année précédente (et découvert récemment), Rébellion s'inscrit dans une veine très classique du chanbara : plus précisément, il explore le sous-segment relatif aux systèmes de clans de samouraïs qui écrasent ses  […]

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lundi 15 décembre 2025

Reflet dans un diamant mort, de Hélène Cattet et Bruno Forzani (2025)

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Jeux de masques Si l'on connaît déjà le duo Cattet / Forzani, on sait très bien dans quel sentier on s'engage. C'est un constat important, l'air de rien, car dès les premières minutes de Reflet dans un diamant mort il faut être prêt à abandonner toute notion d'intelligibilité, à oublier jusqu'à  […]

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jeudi 11 décembre 2025

Take Out, de Sean Baker et Tsou Shih-ching (2004)

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Sisyphe de la livraison à vélo Il n'est pas inintéressant de remonter aux racines de la filmographie de Sean Baker, en progressant de ses œuvres les plus travaillées (Red Rocket, Anora) vers ses réalisations plus DIY et brutes. Take Out se situe dans une région cinématographique très proche de   […]

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lundi 08 décembre 2025

À l'ouest des rails (铁西区, Tiě xī qū), de Wang Bing (2003)

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Purgatoire de rouille et d'obscurité Difficile de faire plus intimidant qu'un documentaire chinois de plus de neuf heures tourné en caméra mini-DV au début entre 1999 et 2001 au sein d'un immense complexe industriel hérité de l'époque de l'occupation japonaise. Quand Wang Bing commence à  […]

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jeudi 04 décembre 2025

I Got Heaven, de Mannequin Pussy (2024)

i_got_heaven.jpg, 2025/01/29

Aboiements hypnotiques Ça faisait longtemps qu'un album, plus précisément un morceau, encore plus précisément une version live de ce même morceau, ne m'avait pas autant hypnotisé. On le doit encore une fois à une session live KEXP, un lieu pas avare en dénichage de pépites. C'est bien simple, j'ai  […]

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mercredi 03 décembre 2025

The Betrayal (Daisatsujin orochi, 大殺陣雄呂血), de Tokuzō Tanaka (1966)

the_betrayal.jpg, 2025/11/03

Patience de la révolte Dans le registre du chanbara, les thèmes de la trahison, de la loyauté, ou encore de la morale (fausse ou vertueuse) ont déjà été explorés à maintes reprises, déjà, lorsque sort The Betrayal en 1966. Un des jalons les mieux établis dans ce domaine est probablement la  […]

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lundi 01 décembre 2025

Tardes de soledad, de Albert Serra (2025)

tardes_de_soledad.jpg, 2025/11/03

Rouge sang et gonades opulentes Un peu plus de deux heures de lentes mises à mort de taureaux, entrecoupées par quelques séquences en dehors de l'arène, voilà le programme exhaustif de Tardes de soledad. Le genre documentaire n'est pas forcément là où on attendait Albert Serra, mais en réalité en y  […]

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