jeudi 11 décembre 2025

Take Out, de Sean Baker et Tsou Shih-ching (2004)

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Sisyphe de la livraison à vélo

Il n'est pas inintéressant de remonter aux racines de la filmographie de Sean Baker, en progressant de ses œuvres les plus travaillées (Red Rocket, Anora) vers ses réalisations plus DIY et brutes. Take Out se situe dans une région cinématographique très proche de Prince of Broadway (2008), et dans les grandes lignes il s'agit presque d'un décalque : le quotidien d'un immigré new-yorkais en prise avec un travail dans des conditions moyennement légales et avec des problèmes d'argent. Dans Prince of Broadway, on suivait un immigrant illégal ghanéen travaillant dans pour la revente de marchandises de contrefaçon, et ici la caméra de Baker ne lâchera pas Ming Ding, un immigré illégal chinois devant péniblement rembourser une dette contractée auprès de ses passeurs et travaillant comme livreur dans un restaurant chinois.

Le sens de l'échéance pesante est plantée dès l'introduction, quand des hommes de main viennent rappeler au protagoniste qu'il doit trouver une certaine somme d'argent avant la fin de la journée, avec petit coup de marteau dans le dos histoire de bien faire passer le message. Après avoir fait le tour de ses connaissances pour emprunter ce qu'il peut, il se voit dans l'obligation de charbonner trois fois plus dans les livraisons de repas pour espérer amasser la somme manquante au travers des pourboires. Heureusement, les clients de New York sont plus généreux que ceux de Paris récemment décrits dans L'Histoire de Souleymane... Dans une logique à la fois intimiste et suffocante, Sean Baker use presque systématiquement de la longue focale, avec un effet double : certes, on partage le malaise du pauvre Ming Ding au travers de ces plans ultra serrés sur les visages et les portes (malaise renforcé par la répétition inlassable des mêmes séquences, reflet du quotidien assommant du travailleur qui n'arrête pas de faire des allers-retours à vélo entre restaurant et appartements des clients), mais le procédé devient assez vite usant et lassant, avec en prime la nausée provoquée par cette caméra à l'épaule, tremblotante du début à la fin.

Sean Baker disait à l'époque qu'il était avec son co-réalisateur Tsou Shih-ching particulièrement influencé par le style du cinéma-vérité, ou cinéma direct, et on comprend aussi les références faites à l'époque au Dogme 95 de Lars von Trier et Thomas Vinterberg. Le résultat sera quoi qu'il en soit éreintant, avec un ressenti plus ou moins constructif selon ce qu'on vient y chercher, et selon les prédispositions éminemment subjectives... Quelques séquences comiques où le collègue essaie d'apprendre à Ming Ding comment sourire et dire merci (échec), une unique séquence évoquant le contexte familial (le personnage regardant juste 15 secondes une photo de sa femme et de sa fille restées en Chine), mais de manière générale, la temporalité resserrée sur une journée et la concentration de micro-événements pénibles (mauvaises commandes, clients désagréables, aléas climatiques) forçant l'empathie pour ce travail harassant donne à voir une épreuve littéralement sisyphéenne. Et qui se renouvellera probablement le lendemain.

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lundi 08 décembre 2025

À l'ouest des rails (铁西区, Tiě xī qū), de Wang Bing (2003)

a_l_ouest_des_rails.jpg, 2025/11/13

Purgatoire de rouille et d'obscurité Difficile de faire plus intimidant qu'un documentaire chinois de plus de neuf heures tourné en caméra mini-DV au début entre 1999 et 2001 au sein d'un immense complexe industriel hérité de l'époque de l'occupation japonaise. Quand Wang Bing commence à  […]

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jeudi 04 décembre 2025

I Got Heaven, de Mannequin Pussy (2024)

i_got_heaven.jpg, 2025/01/29

Aboiements hypnotiques Ça faisait longtemps qu'un album, plus précisément un morceau, encore plus précisément une version live de ce même morceau, ne m'avait pas autant hypnotisé. On le doit encore une fois à une session live KEXP, un lieu pas avare en dénichage de pépites. C'est bien simple, j'ai  […]

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mercredi 03 décembre 2025

The Betrayal (Daisatsujin orochi, 大殺陣雄呂血), de Tokuzō Tanaka (1966)

the_betrayal.jpg, 2025/11/03

Patience de la révolte Dans le registre du chanbara, les thèmes de la trahison, de la loyauté, ou encore de la morale (fausse ou vertueuse) ont déjà été explorés à maintes reprises, déjà, lorsque sort The Betrayal en 1966. Un des jalons les mieux établis dans ce domaine est probablement la  […]

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lundi 01 décembre 2025

Tardes de soledad, de Albert Serra (2025)

tardes_de_soledad.jpg, 2025/11/03

Rouge sang et gonades opulentes Un peu plus de deux heures de lentes mises à mort de taureaux, entrecoupées par quelques séquences en dehors de l'arène, voilà le programme exhaustif de Tardes de soledad. Le genre documentaire n'est pas forcément là où on attendait Albert Serra, mais en réalité en y  […]

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mardi 25 novembre 2025

Alpinistes de Staline, de Cédric Gras (2020)

alpinistes_de_staline.jpg, 2025/04/20

"Il ne faut pas plaindre ces hommes d’avoir vécu sous l’URSS. Pas ceux-là. Elle leur a offert des aventures comme peu en vivent de nos jours." C'est en voulant se renseigner sur l'origine d'un coinceur mécanique portant leur nom, utilisé en alpinisme, au même titre qu'un système  […]

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lundi 24 novembre 2025

On the Bowery, de Lionel Rogosin (1956)

on_the_bowery.jpg, 2025/11/03

"The saddest and the maddest street in the world." Dans la veine du docufiction, Lionel Rogosin est allé observer ce qui se passait dans le quartier new-yorkais du Bowery, situé au sud de Manhattan, autour d'une rue caractérisée par la présence de nombreux marginaux au milieu du XXe  […]

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jeudi 20 novembre 2025

Larmes de clown (He Who Gets Slapped), Victor Sjöström (1924)

larmes_de_clown.jpg, 2025/11/03

"In the grim comedy of life, it has been wisely said that the last laugh is the best..." Le cirque comme reflet des drames et des injustices de la vie commune, c'est un sujet de cinéma qu'on connaît bien aujourd'hui si on s'intéresse un tout petit peu à la période du muet mais à l'époque  […]

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