Il n'est pas inintéressant de remonter aux racines de la filmographie de Sean Baker, en progressant de ses œuvres les plus travaillées (Red Rocket, Anora) vers ses réalisations plus DIY et brutes. Take Out se situe dans une région cinématographique très proche de Prince of Broadway (2008), et dans les grandes lignes il s'agit presque d'un décalque : le quotidien d'un immigré new-yorkais en prise avec un travail dans des conditions moyennement légales et avec des problèmes d'argent. Dans Prince of Broadway, on suivait un immigrant illégal ghanéen travaillant dans pour la revente de marchandises de contrefaçon, et ici la caméra de Baker ne lâchera pas Ming Ding, un immigré illégal chinois devant péniblement rembourser une dette contractée auprès de ses passeurs et travaillant comme livreur dans un restaurant chinois.
Le sens de l'échéance pesante est plantée dès l'introduction, quand des hommes de main viennent rappeler au protagoniste qu'il doit trouver une certaine somme d'argent avant la fin de la journée, avec petit coup de marteau dans le dos histoire de bien faire passer le message. Après avoir fait le tour de ses connaissances pour emprunter ce qu'il peut, il se voit dans l'obligation de charbonner trois fois plus dans les livraisons de repas pour espérer amasser la somme manquante au travers des pourboires. Heureusement, les clients de New York sont plus généreux que ceux de Paris récemment décrits dans L'Histoire de Souleymane... Dans une logique à la fois intimiste et suffocante, Sean Baker use presque systématiquement de la longue focale, avec un effet double : certes, on partage le malaise du pauvre Ming Ding au travers de ces plans ultra serrés sur les visages et les portes (malaise renforcé par la répétition inlassable des mêmes séquences, reflet du quotidien assommant du travailleur qui n'arrête pas de faire des allers-retours à vélo entre restaurant et appartements des clients), mais le procédé devient assez vite usant et lassant, avec en prime la nausée provoquée par cette caméra à l'épaule, tremblotante du début à la fin.
Sean Baker disait à l'époque qu'il était avec son co-réalisateur Tsou Shih-ching particulièrement influencé par le style du cinéma-vérité, ou cinéma direct, et on comprend aussi les références faites à l'époque au Dogme 95 de Lars von Trier et Thomas Vinterberg. Le résultat sera quoi qu'il en soit éreintant, avec un ressenti plus ou moins constructif selon ce qu'on vient y chercher, et selon les prédispositions éminemment subjectives... Quelques séquences comiques où le collègue essaie d'apprendre à Ming Ding comment sourire et dire merci (échec), une unique séquence évoquant le contexte familial (le personnage regardant juste 15 secondes une photo de sa femme et de sa fille restées en Chine), mais de manière générale, la temporalité resserrée sur une journée et la concentration de micro-événements pénibles (mauvaises commandes, clients désagréables, aléas climatiques) forçant l'empathie pour ce travail harassant donne à voir une épreuve littéralement sisyphéenne. Et qui se renouvellera probablement le lendemain.





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