La Septième Victime, premier film de Mark Robson réalisé sous la houlette du producteur Val Lewton, est une fiction à caractère horrifique étonnante à de nombreux titres. Le genre de série B précoce, très légèrement bancale, harmonieusement partagée entre ses qualités et ses défauts, qui exerce une certaine fascination au travers de quelques partis pris, quelques dispositions esthétiques. Et en l'occurrence un récit qui file à toute vitesse, 1h10, force et faiblesse d'un film qui d'un côté maintient un rythme assez incroyable dans son crescendo digne d'un thriller contemporain mais d'un autre côté qui ne prend pas le soin de développer l'intégralité des pistes entreprises et qui ne se soucie pas de manier les incohérences à répétition.
Les points saillants, originaux, intrigants, avant-gardistes ou presque anachroniques, ne manquent pas. À l'origine, c'est une simple histoire de disparition, une femme soudainement volatilisée recherchée par sa sœur (Kim Hunter) naïve et appliquée. La protagoniste enchaîne les déplacements d'un point A à un point B, avec à chaque fois un personnage, une information, une révélation lui permettant d'accéder à l'étape suivante. Scolaire, un peu répétitif, et peu engageant. Mais assez rapidement, le mystère qui entoure la disparition s'épaissit et prend une vraie consistance, à mesure que la caméra sonde les recoins sombres de New York et que la terreur d'une secte satanique emplit l'espace. À partir d'un moment, il n'y plus vraiment de cohérence, de continuité entre les personnages de premier et second plans, les figures défilent, certaines apparaissent brusquement pour s'évanouir juste après (on se rappellera longtemps de la silhouette proto-gothique de Jean Brooks aperçue 5 secondes, avec son index sur la bouche et sa perruque noire), on navigue entre des lieux baignant dans des tonalités radicalement opposées (une école religieuse, un restaurant italien plongé dans une dynamique positive, les ruelles malfamées de Greenwich Village, une chambre sordide avec seulement une chaise et un nœud coulant suspendu à une poutre du plafond)... La radicalité formelle et narrative est particulièrement surprenante. Une séquence de douche anticipe même la célèbre scène de Psycho.
Clairement The Seventh Victim est plus habile dans l'établissement des ambiances et des mystères que dans leurs résolutions. Il est beaucoup plus pertinent et incisif pour aiguiser les interrogations que pour esquisser des réponses : aussi, si l'on se concentre uniquement sur l'intrigue rocambolesque, il y a probablement de quoi être déconcerté. Mais dès lors qu'on se laisse aller à cette interminable errance, dans les ruelles inquiétantes peuplées de zones d'ombre et de personnages menaçants, impossible de ne pas éprouver une profonde sympathie pour ce film bizarre, hétérogène, captivant, et très attachant.
Dernières interactions
Ah c'est sûr ça se cale plus facilement que les 7 heures d'un Napoléon de Gance…
05/11/2024, 23:45
Ô (émoi qui exprime une vive curiosité pour ce potentiel d’étrangeté qui ne dure…
05/11/2024, 23:13
Les mémoires de Herzog sont dans mon viseur bien entendu... Ils passeront…
03/11/2024, 08:44
De rien. Mais il va falloir faire un choix ;-) (Ou encore ——->[])
03/11/2024, 00:43
Ah ! Merci pour le rappel de la ref, j'avais bien aimé cette chronique ! :)
02/11/2024, 22:51
Une idée de lecture. Au détour d’une chronique de Laélia Veron sur le procès…
02/11/2024, 22:10