On peut trouver ce polar goguenard dans une traduction par Laura Derajinski (2017) moins vieillote comparée à celle de Marcel Duhamel (1957) qui verserait un peu trop dans le langage argotique, à commencer par son titre retrouvé Le bikini de diamants, aux éditions Gallmeister. Mais la découverte de cette vieille édition Folio Junior jalonnée de dessins de Jacques Tardi a été celle de mon dévolu. On s'amusera de regarder d'un œil bovin la couvrante de l'édition Carré noir ou encore celle de Folio Policier. Il existe par ailleurs une adaptation de ce roman au cinéma réalisée par Gérard Pirès qui date de 1971, avec Lino Ventura, Mireille Darc et Jean Yanne.
On y suit les pérégrinations de Billy Noonan, un garçon de sept ans, qui a posé ses bagages pour l’été dans la ferme de son oncle Sagamore résidant au Texas, accompagné de son père « Pop ». L’histoire est racontée du point de vue de l’enfant. Les deux frères veillent sur le marmot avec une aimante attention, n’hésitant pas à lui présenter certaines de leurs combines sous un jour plus favorable, et protéger ainsi son innocence.
Tout de même, c'est curieux; tous les gens ont l'air d'avoir quéqu'chose qui ne va pas, dans ce pays. Le docteur Severance a des pincements au cœur, le shérif il a de la tension, Miss Harrington de l'anémie, et puis cette histoire d'épidémie de typhoïde, et maintenant, voilà que ma tante Bessie a le diabète. J'espère qu'on va pas attraper quelque chose comme ça, nous aussi.
Rendu à ce moment de l’histoire, il est difficile de ne pas exploser de rire…
La gageure de certaines scènes tient des trouvailles de l’oncle Sagamore aussi paysan que rusé pour se payer la tête du shérif et de ses adjoints qui l’ont à l’œil. La réussite tient également à cette version toute personnelle de la vérité de Sagamore présentée à l’enfant et que le lecteur moins naïf comprend et résout.
Ajoutez à cela l’arrivée d’une stripteaseuse poursuivie par des gangsters, vous obtenez un roman malicieux où la gouaillerie est de mise. Les péripéties sont d’une drôlerie qui relève parfois du génie, on se marre. Prenons un personnage secondaire, le vieil oncle fêlé Finley s'emparant du moindre morceau de bois pour construire une arche en vue de l’apocalypse, il semble incarner cet esprit de dérision de l’auteur, qu'il montre tout au long de son histoire.
Bon sang de bonsoir, quel livre ! Il est bien difficile de croire que Terres Promises est le premier livre de Bénédicte Dupré La Tour tant celui-ci est époustouflant. Sa sœur jumelle, Florence, est dessinatrice de bandes dessinées, peut-être faut-il se pencher sur sa trilogie BD autobiographique Cruelle, Pucelle et Jumelle, pour élucider la naissance de cette soeur-écrivaine.
En alternant le genre épistolaire et narratif, Bénédicte Dupré La Tour forme une construction impeccable pour nous raconter l’itinéraire de ses sept personnages, entendez, des voix oubliées de la conquête de l’Ouest :
Eleanor, la prostituée qui attend l’heure de se faire justice ; Kinta, l’indigène qui s’émancipe de sa tribu ; Morgan, l’orpailleur fou défendant sa concession au péril de sa vie. Par delà les montagnes, arpentez les champs de bataille avec Mary ; suivez la traque de Bloody Horse, et rêvez de la liberté sauvage avec Rebecca. Parmi les colons et les exilés, vous croiserez sûrement la route du Déserteur, et une fois imprégnés de la véritable histoire de l’Ouest, le Bonimenteur vous apportera votre consolation contre quelques pièces.
(extrait de quatrième de couverture)
Cette œuvre qui pourrait être lue comme un recueil de nouvelles, forme un roman choral qui ne relâche jamais notre stupéfaction. La langue est impressionnante, tout en circonvolutions ; ce qui serait un défaut chez beaucoup d’écrivains semble ici faire émerger un tragique de répétitions et transcender la réalité. Les mots sont percutants rejouant des scènes familières de la conquête de l’Ouest en jetant un regard aigu sur l'envers du décor.
C'est une part terrible de la condition humaine qui nous est donnée à voir à travers ces existences et plus spécialement la condition des femmes en pénétrant leurs pensées les plus intimes, lorsque les hommes n’avaient qu’une idée en tête : la ruée vers l’or. Ces portraits résonnent bien au delà de ce contexte historique, révélant toute une dramaturgie faite de luttes intestines et de violences sexuelles. Chacune de ces nouvelles possède une fin magistrale et chacune de ces nouvelles, mises en correspondances, tisse un roman à la morale cinglante. En trois mots, un western sublime.
Nevermore est un délicieux polar dont les deux héros sont Sir Arthur Conan Doyle et le maître illusionniste Houdini. William Hjortsberg imagine ces deux copains devenus bon gré mal gré des détectives dans le New York des années 1920. Un tueur en série dans la ville imite les modus operandi des nouvelles écrites par Edgar Allan Poe : une personne enterrée vivante, une autre emmurée ou encore une autre fourrée dans une cheminée… Chaque meurtre est l’occasion de se remémorer ses Nouvelles histoires extraordinaires.
Hjortsberg exploite magnifiquement l’ambivalence de cette amitié réelle (en photo) entre un rationaliste sceptique en la personne de Houdini qui entendait démasquer les médiums, et un partisan du spiritisme qu’était notoirement Conan Doyle (et sa seconde épouse Jean Leckie). Hjorstberg fait une nouvelle fois preuve dans Nevermore d’un sens du romanesque dans ses enquêtes criminelles. L’idée est impudente mais exécutée avec une malice communicative comme pouvait l’être la construction de son roman culte et diabolique Le sabbat dans Central Park (aka Angel
Heart).
Le casting est épatant rassemblant des sommités de l’époque comme le journaliste Damon Runyon (qui joue un rôle de premier plan), Jimmy Walker, Buster Keaton, King Oliver et Louis Armstrong. Houdini, en l'an 1923, est toujours une légende du spectacle de prestidigitation. Égoïste et excentrique, il entreprend de démystifier les spirites en n’hésitant pas à perturber leur représentation publique. C’est ainsi qu’il interrompt celle d’une de ses cibles les plus en vogue, Opal Crosby Fletcher prenant le nom de la déesse Isis sur scène. Elle choisit après l’entrave à son show de faire de Houdini son Osiris. On se marre en voyant Houdini tenter d’échapper à cette femme séduisante qui se prétend être la réincarnation de la déesse de la fertilité dans l’Égypte ancienne.
Lorsqu’ils se rencontrent pour la première fois, Doyle est convaincu qu’Houdini est un puissant médium, qui discrédite les autres uniquement pour détourner l’attention de ses propres puissants pouvoirs. Hjortsberg s’amuse des conflits internes de ses personnages drôlement têtus. Ce duo improbable se mêle alors des affaires policières lorsque les horreurs du tueur en série font jour.
L’intrigue prend de multiples aspects des récits de Mauvais Genres : la dimension fantastique lorsque le créateur de Sherlock Holmes se met tout bonnement à discuter avec le fantôme de Poe lors de ses visites spectrales matinales impromptues, les horreurs avec le menu détail des meurtres commis par le criminel lettré, l’érotisme avec des scènes ouvertement sulfureuses ou encore le genre pulps au travers des péripéties finales dans une course contre la montre avec le tueur.
Le thème du spiritisme et le personnage d’Isis (Crosby) m’ont fait penser à la lecture de la nouvelle Infiltration de Connie Willis sur des journalistes en croisade contre les spirites ; deux auteurs qui partagent l’esprit et l’humour, en abordant la question de la croyance au surnaturel. La fin cathartique de Nevermore dans laquelle est évoquée une dernière fois une nouvelle de Poe intitulée La Caisse oblongue (1844) non traduite par Baudelaire, semble receler une dernière énigme. Ma suspension consentie de l'incrédulité a cédé et j'ai passé quelques heures à relire la nouvelle en question, la biographie de Poe, de Houdini et de Conan Doyle, en m’attardant sur le démembrement osirisiaque, pour élucider un dernier… choc des croyances. En bref, un pur régal pour les amoureux de Mauvais Genres.
Le traducteur est clair à propos de ce recueil de nouvelles en préface et en quatrième de couverture, ce serait LE chef d’œuvre de Jim Harrison (1937 - 2016). N’ayant rien lu de cet auteur américain, je me contenterai de dire que ces trois longues nouvelles vont crescendo jusqu’à la nouvelle éponyme qui a été adaptée en 1994 au cinéma par Edward Zwick avec Brad Pitt et Antony Hopkins entre autres.
Vengeance est un titre on ne peut plus clair qui narre le duel entre un dangereux criminel de la drogue Tiburón et son ami de confiance Cochran, ancien pilote de chasse au Vietnam. La nouvelle débute sur la découverte d’un homme à l’agonie par un paysan et sa fille dans le désert mexicain. Une tragédie dont la catharsis a de quoi surprendre tant elle nous prend à contrepied, persuadé de suivre la partition classique d’une histoire de vengeance mêlant un amour destructeur et la violence la plus extrême.
L’homme qui abandonna son nom nous tient en haleine aussi étonnamment que ça puisse paraître en racontant l’expérience de vie d’un homme de cinquante ans, cadre d’entreprise et père de famille, conscient de vivre une vie déconnectée de ses aspirations. Sa rébellion qui lui fait quitter son travail et son confort matériel ne va pas sans la récolte d’ennuis. Mais cette soif de liberté est forte, ce narrateur danseur renoue avec la vie heureuse et retrouve des moments de complicité avec sa fille. Ce serait une sorte d’American Beauty, où le cynisme, le symbolisme et le machisme du film de Allan Ball seraient remplacés par des considérations plus sages et plus honorables.
Légendes d’automne (traduit de Legends of the Fall : en français, c'est à la fois Légendes d'automne et Légendes de la chute) est une saga familiale centrée sur Tristan le frère rebelle et sauvage d’une fratrie, originaire du Montana. Le destin des trois frères au tempérament différent est profondément tragique. L’histoire remarquablement ciselée nous plonge dans le flot de leurs existences depuis leur enfance au ranch familial au côté d’un père aimant et d’un ami Cheyenne du nom d’Un Coup en référence à son passé de guerrier et à sa précision légendaire, en passant par la France pour rejoindre les forces de l’Alliance durant la Première Guerre Mondiale (parmi ce million de soldats américains engagés dans les combats), jusqu’aux périples maritimes de Tristan. Les aventures épiques de ce dernier seront entrecoupées de moments de grâce lors des retrouvailles émotionnellement tourneboulantes avec les siens.
In fine, une écriture brillante et des histoires aussi bonnes que variées.
La résistante Madeleine Riffaud, alias Rainer, est morte le 6 novembre 2024 à l'âge de 100 ans, alors que les projecteurs étaient braqués sur la réélection de Donald Trump.
Madeleine Riffaud a tardé à raconter son enfance et son adolescence, ce qu’elle a finalement fait en 2015 dans une série d’entretiens découpée en dix épisodes pour la radio (podcasts de France Culture) et en 2017 pour les oreilles attentives du scénariste de bande dessinée Jean-David Morvan.
Dis donc, Rainer… Tu vas enfin l’ouvrir,
ta gueule, oui ? Cette année, ce sont les
cinquante ans de la Libération. On doit
raconter la vérité, dire comment ça s’est
passé… Si tu continues à la fermer, tous nos
camarades morts à dix-sept ans, personne ne
s’en souviendra. C’est ça que tu veux ?
La lecture de ces trois bandes-dessinées qui retracent son parcours pour rejoindre la Résistance à Paris et se battre au péril de sa vie contre les occupants nazis, est une véritable respiration. La BD développe une narration à la fois sentimentale, politique et poétique qui fait drôlement du bien en ces temps où les « mots morts » des communicants de tous bords asphyxient notre pensée.
La reconstitution des évènements est captivante et les planches à l’aquarelle par le dessinateur Dominique Bertail sont magnifiques. Le lecteur y suit donc Madeleine Riffaud, cette jeune femme qui n’avait que seize ans lorsqu’elle a rejoint la Résistance en 1942. Elle tissa des liens forts avec des hommes et des femmes qui ont œuvré dans l'ombre contre l'occupant nazi. Le lecteur entrevoit une partie du maillage que forme la Résistance et les notes de bas de page apportent les précisions historiques nécessaires à notre connaissance. Parfois le présent de l'entretien durant la période Covid - entre Riffaud et Morvan - ressurgit comme pour rappeler l'importance que revêt l'oralité dans la transmission du passé.
1 - La Rose dégoupillée
Cette première partie permet de mieux comprendre les germes de sa révolte. Née le 23 août 1924 à Arvillers dans la Somme elle grandit dans une famille républicaine d’instituteurs originaires du limousin. Petite fille Madeleine part avec ses grands-parents et leurs paquetages pour fuir la guerre, se greffant aux colonnes de civils en plein exode sur les routes, des avions de combat, les Stuka, les survolent et font feu sur eux. Au milieu de ce cortège perdu et désarmé, Madeleine est une première fois survivante. On y découvre aussi l’importance de la lecture, de la poésie et de l’amour de sa famille dans la construction de sa personnalité. Quand elle tomba malade de la tuberculose à cause du froid et de malnutrition, son père réussit à organiser son départ vers le sanatorium de Saint-Hilaire-du-Touvet, situé entre la Dent de Crolles et la vallée du Grésivaudan. Ce centre médical sur les contreforts de la Chartreuse doit beaucoup au docteur Daniel Douady qui préserva ce havre de paix pour les malades durant l’Occupation allemande et en fit un lieu secret de la Résistance (ce que Madeleine apprit des années plus tard). Même si la mort est toujours prégnante au sanatorium, le séjour de convalescence de Madeleine est doux. Ses premiers émois amoureux et ses transgressions adolescentes sont signe d’une santé retrouvée. Elle convint son amoureux Marcel Galiardi de partir avec lui pour Paris, sans en parler à ses parents, avec la vive intention de prendre part à la Résistance. Elle fut aussitôt engagée au sein du Front national de lutte pour la Libération et l’indépendance de la France, organisation d’obédience communiste.
2 - L'édredon rouge
Le rythme de ce second volume est différent car elle raconte comment elle se forma aux tactiques d’actions et de discrétions dans Paris. Elle participa aux affichages, aux tractages et à la protection de familles juives. Elle veilla à la clandestinité de son réseau dans l’angoisse qu’à tout moment un des leurs fut arrêté et torturé. Un éclat de couleur ensanglante les teintes bleutées de ce volume : la célèbre Affiche rouge des fusillés du Mont-Valérien, que Madeleine vit sur les murs de la capitale. Le rouge, c’est aussi la couleur de l’édredon qui donne son titre à ce volume, c’est sous son imposant linge de lit qu’une vieille dame courageuse cacha Madeleine pourchassée par la Feldgendarmerie. L'année 1944 est un tournant tragique pour Madeleine. Elle apprit avec horreur le drame d’Oradour sur Glane où elle eut passé des vacances. Après la mort brutale de son ami Picpus, amoureux de la poésie comme elle, elle fut arrêtée pour avoir abattu un officier allemand et fut conduite directement au siège de la Gestapo.
3 - Les nouilles à la tomate
Ce troisième volume est le plus éprouvant car elle a été tabassée plusieurs jours au cours des interrogatoires menés par les Brigades spéciales de la police de Vichy, puis torturée par la Gestapo, rue des Saussaies. Elle ne lâcha rien : ni un lieu, ni un nom. Elle nia tout lien avec un réseau de résistance. Elle fut finalement condamnée et par trois fois elle échappa à une mort certaine. Elle fut sauvée grâce à la complicité de femmes qui voulurent « sauver la môme ». Elle ne tarda pas à reprendre sa place aux côtés des Francs-tireurs en vue de l’insurrection parisienne. On est en 1945, Madeleine a tout juste 20 ans et elle a déjà trompé la mort plusieurs fois, au terme d’une résistance héroïque.
Une œuvre indispensable à mettre dans toutes les mains dès les premières années de collège, ce serait ma prérogative si j'étais documentaliste dans un CDI, professeur ou directeur de collège ou encore ministre de l'éducation (si peu). Comme ce n'est pas le cas, je me contenterai de la chronique et d'un stock pour les cadeaux.
Le feu écrivain japonais Akira Yoshimura (1927 - 2006) a dépeint la mort et le deuil dans des nouvelles et des romans extraordinaires. On peut trouver moult points communs entre ses histoires insolites.
La novela fantastique, La Jeune Fille suppliciée sur une étagère, en est la plus frappante des représentations avec un récit post-mortem. Nous y suivons les pensées d’une jeune fille de seize ans tout juste décédée chez elle. Son cadavre est vendu à la science par ses parents contre une somme d'argent. Commence une suite d'aventures posthumes plus ou moins désagréables pour elle. Elle observe calmement son corps transporté du tatami où elle repose jusqu'à la table d’autopsie d'un laboratoire. L’acuité de l’observation, des sens et de l’esprit étonne vivement.
Les personnages de ses histoires ne sont pas toujours aimables jusqu'à parfois mettre mal à l’aise. Prenons le narrateur du roman Le Convoi de l’eau, il s’émeut d’une enfant pendue sous ses yeux par un groupe de villageois aux abords du hameau étrange où il est venu travailler. Lui-même n’a pourtant eu par le passé aucun scrupule à tuer sa femme sauvagement après la découverte de son adultère. Et au lieu d’une volonté de repentance, il poussa plus loin les sévices après sa sortie de prison en exhumant le cadavre de sa femme.
Cinq petits morceaux d'os des doigts du pied de ma femme... Posséder une partie d'elle me donnait le plaisir de profaner son cadavre. Il était impensable que je les jette, mais si je les jetais, ce serait uniquement en les lançant dans un égout d'eau croupie.
Ce vil narrateur s’est fait embaucher dans l’équipe de treize ingénieurs et soixante ouvriers chargés de construire un barrage hydroélectrique là où un village séculaire d’une centaine d’habitants a été découvert par hasard en fouillant les montagnes à la recherche d’un avion écrasé. La suite est stupéfiante.
Nous retrouvons l’environnement hostile et l’isolement géographique dans Naufrages. Cette fois-ci, nous quittons la montagne pour le bord de mer. Le héros est un enfant prénommé Isaku qui va faire ses premières expériences, participer à son tour aux tâches quotidiennes et perpétuer les cérémonies qui rythment la vie au village. La survie s’élabore devant nos yeux de lecteur éberlué face aux confrontations sidérantes sur la côte. Une histoire de résilience fascinante.
Il avait encore en mémoire la sévère recommandation de son père qui, avant de partir, leur avait fait promettre, à sa mère et à lui, de ne pas laisser les enfants mourir de faim.
Akira Yoshimura a une écriture épurée qu’il a mis au service d’une imagination singulière. Je suis ressorti de ces lectures comme si j’avais glissé dans un interstice de la littérature : amoral, ancestral et lointain.
StreetPress a recensé plus de 320 sections locales ou groupuscules d'extrême droite extra-parlementaire actifs en France. Ils sont identitaires, royalistes, catholiques-intégristes, nationalistes-révolutionnaires ou confusionnistes, souvent violents et toujours radicaux. Nous avons enquêté sur eux.
Je tiens James Sallis pour l'honneur du roman noir d'aujourd'hui.
Ce panégyrique par Jean-Bernard Pouy sur la quatrième de couverture de Bois mort a peut-être joué dans la balance au moment de choisir ma dernière lecture. James Sallis serait-il au « bois mort » ce que les Flottins sont au bois flotté ? Un maître dans son art. Le polar.
Photo de Jean-Jacques Pagnier au village des Flottins à Evian, source
Cette enquête est le premier volet d’une trilogie, bien que Bois mort puisse se lire indépendamment. L’assassinat d’un jeune vagabond pose une colle aux shérifs d’une petite ville isolée du Tennessee. La victime est retrouvée les mains liées au-dessus de la tête, un pieu planté dans le cœur.
L’affaire qui a trait aux films de Mauvais Genres pour certains quasi confidentiels et dont seuls les passionnés gardent une copie sur une cassette (on pense à «la caverne des introuvables »), est intrigante même si elle pêche à mes yeux dans son élucidation.
Ce petit regret n’est guère important car le présent de l’enquête alterne avec le passé tumultueux de John Turner que les shérifs sont venus sortir de sa retraite méritée, pour lui demander un peu d’aide. John Turner est une tête froide qui a mené une carrière de policier à Memphis, une ville toujours bien classée en termes de nombre de crimes violents. Et qui supporta onze années de prison après avoir tué son partenaire durant une mission.
Les accroches des chapitres de ce roman sont parfois exquis, un avant-goût : La vie, a dit quelqu'un, c'est ce qui vous arrive pendant que vous attendez que d'autres choses arrivent, qui, elles, n'arriveront jamais. Quant à la noirceur, elle est parfois édifiante et plus d’une fois contrebalancée par la quête de « grâce » de John Turner, qui va trouver parmi ses nouveaux amis de vrai(e)s confident(e)s. Au bureau de police comme au café du coin, une franche histoire d’amitié se construit entre ces justiciables foncièrement sympathiques. La suite m’attend : Cripple Creek et Salt River.
Catherine Dufour nous raconte une histoire sur une chômeuse qui va s’encanailler avec une maison hantée. Tandis que le fandom SF, toujours à la page, se fend de chroniques lunaires avec la parution de son dernier livre de science-fiction, la lecture de Au bal des absents peut sembler à rebours. Ce roman d’épouvante est pourtant de saison. La Toussaint approche. C’est l’automne, les feuilles de route de la dépense publique tombent. Un tour d’écrou à « France Travail » est de rigueur…
Si vous avez vu Moi, Daniel Blake (ce film de Ken Loach qui vous soutire des larmes de colère), Au bal des absents en serait une version féminine dont on aurait la suite de l’histoire, c’est à dire sans infarctus en guise d’épilogue et penchant allègrement du côté Fantastique. L’héroïne de ce récit d’épouvante s’appelle Claude. Elle a vécu et vit toujours à quarante ans les tribulations d’une précaire. Dénichant un job improbable de détective privée pour le compte d’un américain, elle prend ses cliques et ses claques, quittant sa ville vers les lieux de son enquête. Le passage sur les découvertes littéraires et cinématographiques de Claude dans la médiathèque de son nouveau lieu de villégiature constitue une chouette recension de certains classiques des Mauvais Genres (La Maison des damnés de Richard Matheson, Psychose de Alfred Hitchcock , Salem et Ça de Stephen King , un opus de Amityville de John Murlowski, …). Claude cherche dans ces œuvres des moyens de se dépêtrer de la solitude et des esprits frappeurs qui l’assaillent.
Les premiers chapitres du livre sont un morceau de choix en matière d’effrois pour happer le lecteur. La suite est du même tonneau et même si l’effet de surprise s’estompe, les péripéties ne manquent pas de sel… Amusé par un humour noir qui décante la tension, on n’en reste pas moins touché par l’épuisement des forces du corps et de l'esprit qui gagne de manière progressive Claude. Comme écrivait Catherine Dufour dans un passage qui m’avait marqué d’un précédent roman de SF (Le goût de l’immortalité) :
La souffrance n’élève pas, elle abaisse. Elle ne rend pas intelligent, elle abrutit ; elle ne rend pas plus fort, elle fêle ; elle n’éclaircit pas la vue, elle crève les yeux ; elle ne mûrit pas l’esprit, elle le blettit.
Je ne démords pas de cette série qui semble inaltérable après cinq romans. Abir Mukherjee continue d’échafauder de nouvelles intrigues en renouvelant l’angle, le rythme et la teneur historique. Sans jamais jeter dans la description ou l’explication, les deux villes mastodontes - Calcutta et Bombay - se dévoilent et la question de la société indienne se complexifie.
C’est au tour du sergent Sat Banerjee - bon gré mal gré - d’être à l’avant-poste de l’histoire et d’essuyer tous les feux. En pleine guerre civile communautaire, précipitée par l’assassinat d’un homme de lettres indien dans un quartier musulman de Calcutta, les communautés s’enflamment. Toutes les instances prennent prétexte de cet événement pour engager un bras de fer. Plus grand monde ne se mobilise pour sauver la paix. Des éléments troublants semblent pourtant émerger de cette poudrière.
Quand les précédentes enquêtes rendaient compte du grand poids du militarisme et de l’impérialisme britannique sur le peuple indien, la situation explosive dépeinte ici met en relief la rivalité entre les communautés religieuses hindou et musulmane. Ce conflit affaiblit le mouvement pacifique et le combat de longue haleine contre le joug britannique.
L’intrigue est (encore) rondement menée, ne lésinant sur aucun moyen de transports pour nous promener de Calcutta à Bombay, tantôt à un rythme effréné tantôt à pas de loup. La balade est captivante de jour comme de nuit. Malgré la débandade de l’enquête du sergent indien Banerjee avec l'aide indéfectible de son ami et capitaine Sam Wyndham, les deux partenaires nous offrent des moments de rigolade même tombés dans un découragement profond. Le potentiel cinématographique de cette série est frappante.
Dernières interactions
personnellement c'est dans sa filmographies des années 2010 grosso modo que se…
14/03/2025, 08:23
Hello Nicolas, Oui je vois bien ce que tu veux dire, personnellement c'est dans…
13/03/2025, 15:17
Merci pour cette critique, Renaud ! Il faudrait que je me décide à voir ce…
13/03/2025, 14:29
(En plus, le film regorge de lignes de dialogues mémorables. Tu en as cité…
05/03/2025, 12:19
Merci pour cette critique, Renaud ! Ulzana's Raid, un western qui pourrait…
05/03/2025, 11:23
Oh oui, qu'elle m'a fait plaisir cette récompense... Et le discours de Gilles…
04/03/2025, 22:34