lundi 06 octobre 2025

Morgiana, de Juraj Herz (1972)

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Héritage, empoisonnement, et psychédélisme

Il y a un renversement assez incroyable dans les partis pris esthétiques entre L'Incinérateur de cadavres et Morgiana, alors que seulement trois années séparent deux des films tchécoslovaques réalisés par Juraj Herz les plus connus, autour de 1970. Au noir et blanc déprimant et lugubre du premier répond un univers étonnamment coloré du second (sans que cela ne signifie pour autant que le récit illustrera un moment de gaieté absolu), avec sa direction artistique particulièrement soignée en termes de costumes, de maquillages, de décors, ou de cadrages. Un écrin vraiment très favorable à une appréciation plus spontanée, en ce qui me concerne tout du moins, et ce malgré l'apparente simplicité de la trame : une histoire de jalousie entre deux sœurs se trouvant exacerbée au lendemain d'une annonce testamentaire qui confère l'intégralité de l'héritage du père à l'une d'entre elles, Klara, au détriment de Viktoria.

On le devine davantage par les artifices de mise en scène (avec ses plans de dos et ses champs / contrechamps répétés) que par l'observation des actrices à proprement parler : les deux sœurs que tout oppose, la blonde aux reflets roux, bienveillante et vertueuse, et la brune acide pétrie de névroses, sont en réalité interprétées par la même excellente actrice, Iva Janžurová. Une information presque anecdotique, mais qui en réalité dissimule une modification scénaristique survenue en début de tournage — à l'origine, le film devait davantage traiter d'un cas de schizophrénie chez la protagoniste, une lecture plus tout à fait tenable dans l'état de montage et de mise en scène actuel. Conséquence probable d'une décision de censure de l'époque, qui heureusement n'a pas anéanti la totalité du projet et qui, peut-être, a fait souffler une petite tempête chaotique sur le film en contribuant à son caractère déstructuré. Les contraintes, la créativité, tout ça tout ça.

Reste que pour Viktoria, ça fait beaucoup : sa sœur semble attirer absolument toutes les sources de bonheur avec ses facilités, sa beauté, sa gentillesse. Pas d'autre solution, il va falloir l'empoisonner pour espérer obtenir une petite part du gâteau. Et toute la mécanique baroque et hallucinogène de Morgiana part de là, à mesure que Klara semble résister au poison et que Viktoria s'enfonce dans des délires psy. Même quand les effets commenceront enfin à se faire sentir chez la première, d'autres sentiments envahissants envelopperont encore un peu plus la seconde. Et au milieu, un chat siamois observe. Il en résulte une ambiance très originale, en prise avec un style gothique très particulier, baignant dans un voile psychédélique envoûtant. L'ensemble jouit d'une empreinte esthétique plutôt rare, en tous cas difficile à oublier.

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vendredi 03 octobre 2025

Peacock (Pfau - Bin ich echt?), de Bernhard Wenger (2025)

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Mise en abîme de la coquille vide Un film aussi drôle par moments qu'agaçant à d'autres, aussi pertinent sur certaines observations morales de notre époque qu'en manque patent de subtilité dans la manière de l'exprimer... Peacock fourmille de bonnes idées éparses mais une exploitation correcte de  […]

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jeudi 25 septembre 2025

Trahison sur commande (The Counterfeit Traitor), de George Seaton (1962)

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Espion contraint, pour laver son honneur On ne retiendra pas The Counterfeit Traitor ("Trahison sur commande" en France, à ne pas confondre avec l'excellent film de Martin Ritt sur les Molly Maguires qui avait été traduit Traître sur commande chez nous) pour ses qualités de mise en scène,  […]

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vendredi 19 septembre 2025

Ghostlight, de Kelly O'Sullivan et Alex Thompson (2024)

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Les vertus de l'interprétation et du deuil par procuration Il est vraiment dommage que le scénario (écrit par Kelly O'Sullivan, co-réalisatrice avec Alex Thompson) repose sur des figures aussi lourdes à des moments charnières pour établir son analogie entre la vie de Dan, un ouvrier de voirie à  […]

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lundi 15 septembre 2025

L'Argent de la vieille (Lo scopone scientifico), de Luigi Comencini (1972)

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Le pouvoir de miser à l'infini Avec L'Argent de la vieille, c'est la première fois (chez moi) que Luigi Comencini se positionne dans le fameux créneau de la comédie italienne sociale à forte charge caustique, très loin de l'ambiance sérieuse et tragique de films dramatiques célèbres comme  […]

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vendredi 12 septembre 2025

Let’s Get Free, de Dead Prez (2000)

lets_get_free.jpg, 2025/01/29

Politique afro-américaine du rebelle Un des albums de Conscious Hip Hop les plus percutants et francs que j'aie écoutés, sans l'ombre d'un doute. Bizarrement, le duo Stic.Man / M-1 aligne les gros pamphlets politiques avec une pertinence acérée, que ce soit au travers de cette intro mémorable  […]

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mercredi 10 septembre 2025

Gare centrale (باب الحديد, Bab al-Hadid), de Youssef Chahine (1958)

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La Bête humaine au Caire Dix ans avant la très attachante coproduction russo-égytienne Un jour, le Nil structurée autour de la construction d'un barrage dans un territoire brûlé par le soleil, Youssef Chahine réalisait un film presque noir, mélodrame à connotation sociale, plongé dans son noir et  […]

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lundi 08 septembre 2025

L'Adultère (Измена, Izmena / Betrayal), de Kirill Serebrennikov (2012)

adultere.jpg, 2025/09/01

Union des trompés L'Adultère est probablement le drame le plus sobre que j'aie vue de la part de Kirill Serebrennikov, loin des effets très visibles (mais réussis, en ce qui me concerne) d'un Leto, loin de la démonstration un peu poussive d'un Le Disciple, et loin de l'ambiance tapageuse d'un La  […]

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