vendredi 10 octobre 2025

La Cible humaine (The Gunfighter), de Henry King (1950)

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Le lourd poids de la réputation

Un film à ranger dans le tiroir des westerns qui parviennent à dépasser (au moins un peu) les limitations et les stéréotypes du registre classique, autrement dit ce que les critiques ont appelé le sur-western dans les années 1950, et qui par contraste donnent l'impression de réaliser une prouesse incroyable et de travailler une fibre psychologique d'une subtilité incomparable. Je caricature, mais l'idée est là : dans ce genre ultra-codifié, il suffit de peu d'originalité pour susciter chez moi un enthousiasme presque démesuré.

L'argument unique et majeur de The Gunfighter : l'introduction d'une nouvelle thématique, celle de l'expert vieillissant, de l'ancienne gloire du pistolet. La vieillesse est toute relative (le personnage de Jimmy Ringo est censé avoir une trentaine d'années, une éternité dans l'univers du Far West, en sachant que le hors-la-loi est mort à 32 ans en réalité et devait être beaucoup moins sympathique que l'image qu'en donne l'interprétation de Gregory Peck) et n'est pas du tout abordée sous l'angle des capacités déclinantes, mais plutôt sous celui de l'accumulation des dossiers qui pèsent sur ses épaules. En bon simili Lucky Lucke, Ringo est devenu une célébrité, craint par la plupart des adultes, idolâtré par les enfants, et en tout état de cause victime de la réputation qui le précède désormais systématiquement. Ce pourrait être drôle, le film utilisant la répétition du motif du jeune loup se croyant plus fort que cet homme aux apparences presque frêles... Mais à chaque provocation, Ringo est contraint de se défendre et ça finit dans le sang. Fidèle à sa réputation.

Cet aspect particulièrement tragique de la notoriété est traité de manière assez plaisante avec les outils analytiques de l'époque (c'est-à-dire qu'il ne faut pas attendre un monument de profondeur et de nuance dans le portrait), en faisant de ce personnage une malédiction vivante, une présence fantomatique craint par tout le monde, source perpétuelle de malentendus entravant constamment les tentatives de rapports humains "normaux". La plupart des éléments neutres l'abordent avec beaucoup de lâcheté et d'hypocrisie, à l'image du personnage de Karl Malden pas forcément mal intentionné mais aveuglé par sa peur, ou du groupe de femmes appelant au lynchage sans savoir que l'intéressé se trouve dans la pièce. Indépendamment de ces aspects comiques minimaux ("Well, if he ain't so tough, there's been an awful lot of sudden natural deaths in his vicinity"), il y a un peu du film noir dans La Cible humaine, si l'on s'en tient à ce spectre morbide qui lui colle à la peau. Henry King essaie de diluer quelques éléments à forte consonance mélodramatique dans la toile de fond, notamment au travers des deux figures de l'ex-femme (avec qui il essaie de se rabibocher) et du fils (à qui il tente de transmettre deux ou trois trucs avant de devoir partir, sans pouvoir révéler qu'il est le père). Pas les choses les plus réussies, clairement, mais le reste échafaude une chronique funeste de l'attente en détournant quelques stéréotypes propres au western avec une certaine efficacité.

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lundi 06 octobre 2025

Morgiana, de Juraj Herz (1972)

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Héritage, empoisonnement, et psychédélisme Il y a un renversement assez incroyable dans les partis pris esthétiques entre L'Incinérateur de cadavres et Morgiana, alors que seulement trois années séparent deux des films tchécoslovaques réalisés par Juraj Herz les plus connus, autour de 1970. Au noir  […]

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vendredi 03 octobre 2025

Peacock (Pfau - Bin ich echt?), de Bernhard Wenger (2025)

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Mise en abîme de la coquille vide Un film aussi drôle par moments qu'agaçant à d'autres, aussi pertinent sur certaines observations morales de notre époque qu'en manque patent de subtilité dans la manière de l'exprimer... Peacock fourmille de bonnes idées éparses mais une exploitation correcte de  […]

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jeudi 25 septembre 2025

Trahison sur commande (The Counterfeit Traitor), de George Seaton (1962)

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Espion contraint, pour laver son honneur On ne retiendra pas The Counterfeit Traitor ("Trahison sur commande" en France, à ne pas confondre avec l'excellent film de Martin Ritt sur les Molly Maguires qui avait été traduit Traître sur commande chez nous) pour ses qualités de mise en scène,  […]

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vendredi 19 septembre 2025

Ghostlight, de Kelly O'Sullivan et Alex Thompson (2024)

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Les vertus de l'interprétation et du deuil par procuration Il est vraiment dommage que le scénario (écrit par Kelly O'Sullivan, co-réalisatrice avec Alex Thompson) repose sur des figures aussi lourdes à des moments charnières pour établir son analogie entre la vie de Dan, un ouvrier de voirie à  […]

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lundi 15 septembre 2025

L'Argent de la vieille (Lo scopone scientifico), de Luigi Comencini (1972)

argent_de_la_vieille.jpg, 2025/09/01

Le pouvoir de miser à l'infini Avec L'Argent de la vieille, c'est la première fois (chez moi) que Luigi Comencini se positionne dans le fameux créneau de la comédie italienne sociale à forte charge caustique, très loin de l'ambiance sérieuse et tragique de films dramatiques célèbres comme  […]

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vendredi 12 septembre 2025

Let’s Get Free, de Dead Prez (2000)

lets_get_free.jpg, 2025/01/29

Politique afro-américaine du rebelle Un des albums de Conscious Hip Hop les plus percutants et francs que j'aie écoutés, sans l'ombre d'un doute. Bizarrement, le duo Stic.Man / M-1 aligne les gros pamphlets politiques avec une pertinence acérée, que ce soit au travers de cette intro mémorable  […]

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mercredi 10 septembre 2025

Gare centrale (باب الحديد, Bab al-Hadid), de Youssef Chahine (1958)

gare_centrale.jpg, 2025/08/18

La Bête humaine au Caire Dix ans avant la très attachante coproduction russo-égytienne Un jour, le Nil structurée autour de la construction d'un barrage dans un territoire brûlé par le soleil, Youssef Chahine réalisait un film presque noir, mélodrame à connotation sociale, plongé dans son noir et  […]

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