Un film à ranger dans le tiroir des westerns qui parviennent à dépasser (au moins un peu) les limitations et les stéréotypes du registre classique, autrement dit ce que les critiques ont appelé le sur-western dans les années 1950, et qui par contraste donnent l'impression de réaliser une prouesse incroyable et de travailler une fibre psychologique d'une subtilité incomparable. Je caricature, mais l'idée est là : dans ce genre ultra-codifié, il suffit de peu d'originalité pour susciter chez moi un enthousiasme presque démesuré.
L'argument unique et majeur de The Gunfighter : l'introduction d'une nouvelle thématique, celle de l'expert vieillissant, de l'ancienne gloire du pistolet. La vieillesse est toute relative (le personnage de Jimmy Ringo est censé avoir une trentaine d'années, une éternité dans l'univers du Far West, en sachant que le hors-la-loi est mort à 32 ans en réalité et devait être beaucoup moins sympathique que l'image qu'en donne l'interprétation de Gregory Peck) et n'est pas du tout abordée sous l'angle des capacités déclinantes, mais plutôt sous celui de l'accumulation des dossiers qui pèsent sur ses épaules. En bon simili Lucky Lucke, Ringo est devenu une célébrité, craint par la plupart des adultes, idolâtré par les enfants, et en tout état de cause victime de la réputation qui le précède désormais systématiquement. Ce pourrait être drôle, le film utilisant la répétition du motif du jeune loup se croyant plus fort que cet homme aux apparences presque frêles... Mais à chaque provocation, Ringo est contraint de se défendre et ça finit dans le sang. Fidèle à sa réputation.
Cet aspect particulièrement tragique de la notoriété est traité de manière assez plaisante avec les outils analytiques de l'époque (c'est-à-dire qu'il ne faut pas attendre un monument de profondeur et de nuance dans le portrait), en faisant de ce personnage une malédiction vivante, une présence fantomatique craint par tout le monde, source perpétuelle de malentendus entravant constamment les tentatives de rapports humains "normaux". La plupart des éléments neutres l'abordent avec beaucoup de lâcheté et d'hypocrisie, à l'image du personnage de Karl Malden pas forcément mal intentionné mais aveuglé par sa peur, ou du groupe de femmes appelant au lynchage sans savoir que l'intéressé se trouve dans la pièce. Indépendamment de ces aspects comiques minimaux ("Well, if he ain't so tough, there's been an awful lot of sudden natural deaths in his vicinity"), il y a un peu du film noir dans La Cible humaine, si l'on s'en tient à ce spectre morbide qui lui colle à la peau. Henry King essaie de diluer quelques éléments à forte consonance mélodramatique dans la toile de fond, notamment au travers des deux figures de l'ex-femme (avec qui il essaie de se rabibocher) et du fils (à qui il tente de transmettre deux ou trois trucs avant de devoir partir, sans pouvoir révéler qu'il est le père). Pas les choses les plus réussies, clairement, mais le reste échafaude une chronique funeste de l'attente en détournant quelques stéréotypes propres au western avec une certaine efficacité.
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