Un film aussi drôle par moments qu'agaçant à d'autres, aussi pertinent sur certaines observations morales de notre époque qu'en manque patent de subtilité dans la manière de l'exprimer... Peacock fourmille de bonnes idées éparses mais une exploitation correcte de ces dernières sur la longueur fait cruellement défaut. Aussi, pour sa première réalisation, Bernhard Wenger donne vraiment l'impression de s'inscrire dans une veine cinématographique typiquement germanique, typiquement contemporaine, un moule aux relents de formatage, dans la lignée du formalisme d'un Haneke ou d'un Seidl, et sur les traces de la satire sociale à la Lánthimos ou Östlund. Un territoire aujourd'hui parfaitement balisé, qui ne surprend plus vraiment, même s'il reste bien sûr énormément de choses intéressantes à aborder.
L'argument principal du film tient à la profession du personnage principal (très bien interprété par Albrecht Schuch, très bon en robot humanoïde, humain aux contours éminemment lisses reflétant un intérieur complètement creux), un employé d'une société proposant des services un peu particuliers : la location de personnes pouvant interpréter n'importe qui, un ami élégant et cultivé pour briller en société, un coach en engueulades conjugales, un fils de substitution pour célébrer un parent à l'occasion d'une grande fête, etc. La mise en scène de ces moments fait partie de ces petites idées drôles et caustiques, autant de points de départ qu'on aurait aimé voir davantage exploités. En l'état, le film donne un peu l'impression de concentrer une succession de situations loufoques contenant chacune un petit commentaire moral sur les dérives de notre époque, en lien avec le culte de l'apparence — tout pour paraître beau, intelligent, cultivé, courageux, alors qu'il n'en est rien. Là où on voit que Wenger pédale dans la choucroute, c'est quand il s'agit de déporter le regard sur la vie personnelle du protagoniste : le scénario emprunte une voie archi prévisible, celle de l'homme vidée de sa substance et de sa personnalité à force d'interpréter des rôles superficiels à longueur de temps.
La mise en scène reste très élégante en toute situation, elle sait tirer pleinement profit de ces plans fixes sur des environnements bourgeois pour en faire ressortir spontanément l'absurdité, mais la satire de la société de consommation capitaliste peine à trouver un second souffle une fois les bases posées. Pourtant il y aurait des pavés à produire sur l'envers de ce décor trop parfait, sur l'aliénation qui étreint lorsqu'on tombe dans le calcul systématique des émotions et dans l'optimisation constante des rapports sociaux... Albrecht Schuch personnifie très bien la coquille vide que son personnage au regard vide est devenu, mais le film se fait régulièrement bien trop démonstratif pour préserver la part de sympathie minimale nécessaire. Et je ne sais pas quelle était l'intention exacte de Wenger en citant aussi explicitement une scène de The Square (de Ruben Östlund, donc), celle du dîner mondain où un personnage provoque les bourgeois, mais je n'ai pas la sensation qu'il soit parvenu à élever le niveau pourtant pas très haut.
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