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Publié pour la première fois en 1997, traduit et adapté de l'allemand en 2011 par Olivier Cyran chez Zones, ce texte-manifeste est signé « Autonome a.f.r.i.k.a.-gruppe, Luther Blissett, Sonja Brünzels ». Ces entités collectives, protéiformes et impénétrables sont les inspiratrices, entre autres, des mouvements antipub et des canulars politiques à la Yes Men . Maintes fois qualifiés dans la presse de « terroristes médiatiques » ou encore d' « agents de la guérilla sémiotique », cette bande de joyeux drilles et de gais lurons a toujours rejeté en bloc ces dénominations fallacieuses.

Dans la lignée des mouvements artistico-subversifs tels que le Clandestine Insurgent Rebel Clown Army (CIRCA) co-fondé par John Jordan (1), ce Manuel de Communication-Guérilla est un vif concentré d'impertinence créatrice qui égayera n'importe quelle de vos journées les plus grises. Véritable petit guide théorique et pratique d'intervention non conventionnelle, il détaille avec malice le b.a.-ba d'impostures réussies, de canulars lumineux et de divers actes de résistance ludiques. Loin, très loin des principes de com' publicitaire et du bourrage de crâne institutionnalisé, ce livre dresse les bases saines de l'activisme expérimental, exploite les méthodes de communication traditionnelles et propose tout un arsenal de tactiques d'agitation joyeuse et de sabotage du discours dominant.
Mais l'accomplissement de ces tâches subversives – proches du devoir citoyen, vous en conviendrez – nécessite la maîtrise de concepts essentiels afin d'en optimiser et d'en diversifier l'impact. En d'autres termes, une meilleure connaissance des codes sociaux sous-jacents structurant notre société permet de mieux les détourner à notre avantage. Parmi ces notions, la « grammaire culturelle » tient une place de choix dans le présent manuel.

« La notion de grammaire culturelle recouvre donc le système de règles qui structure les rapports sociaux. Elle désigne la totalité des codes esthétiques et comportementaux qui président au bon déroulement de la vie en société, ainsi que les innombrables rituels que celle-ci impose à tous les échelons. L’organisation spatiale et temporelle qui fonde le "vivre ensemble" fait partie elle aussi de la grammaire culturelle. »

La communication-guérilla se définit ainsi comme une tentative visant à produire des effets subversifs par des interventions dans le processus de communication. Elle s'appuie principalement sur deux principes clés : la distanciation et la suridentification.
Le principe de distanciation repose sur une représentation subtilement biaisée de la réalité habituelle, visant à mettre en lumière les aspects enfouis ou insolites d’une situation, à provoquer des lectures inhabituelles d’événements habituels ou à faire surgir des significations inattendues ou inespérées.
La suridentification consiste en revanche à exprimer ouvertement les contenus de la réalité habituelle qui, bien que largement connus, n’en demeurent pas moins tabous. Elle épouse la logique des normes, des valeurs et des schémas dominants, mais en la poussant dans ses ultimes retranchements, là où ses conséquences ne sont pas (ou ne doivent pas être) énoncées publiquement.
Alors que la distanciation introduit une distance, la suridentification l’abolit en supprimant l’auto-distanciation inscrite dans la structure du discours dominant.

Jouer sur la falsification et la révélation / le démenti / l'aveu qui en résulte, polluer l'image de l'ennemi à l'aide de la stratégie du ver dans le fruit, voilà le genre de leçons dont on peut se délecter ici, sur fond d'impertinence revendiquée. Les exemples historiques sont légion, tous plus jouissifs les uns que les autres ; de William S. Burroughs (2) le beatnik à Noël Godin l'entarteur, les sources d'inspirations ne manquent décidément pas !

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N.B. : Ce texte est disponible en intégralité sur le site des éditions Zones (c'est à dire ici). En rappelant tout de même que « c’est la vente de livres qui permet de rémunérer l’auteur, l’éditeur et le libraire, et de vous proposer de nouveaux lybers et de nouveaux livres. »

(1) John Jordan, co-auteur avec Isabelle Frémeaux du génial Les Sentiers de l'Utopie, publié chez Zones et chroniqué ici. (retour)
(2) William S. Burroughs, auteur en 1959 du fameux Naked Lunch, œuvre fondatrice de la beat generation avec On the Road (1957) de Jack Kerouac (chroniqué ici par Clément). À noter, en 1991, la très bonne adaptation au cinéma de Naked Lunch par David Cronenberg. (retour)