histoire_de_fantomes_japonais.jpg, févr. 2024
Vengeance spectrale

Il y a un côté presque matriciel dans cette histoire de fantômes japonais (ne serait-ce que le titre), basée sur le conte "Yotsuya kaidan" issu du théâtre kabuki et égrainant des thématiques très classiques qui dépassent largement les frontières nationales, trahison, meurtre, et vengeance depuis l'au-delà. Si on observe Histoire de fantômes japonais à l'aune de l'autre film jouissant d'une grande réputation de Nobuo Nakagawa L'Enfer, les multiples apparition fantastiques et horrifiques qui peuplent le dernier temps du récit paraîtraient presque timorées, par opposition à la vision cauchemardesque de l'enfer proprement hallucinante du film postérieur. Mais en tout état de cause, au-delà de son caractère légèrement normé, c'est un film qui revêt un intérêt significatif en tant qu'émanation du cinéma japonais de la fin des années 50.

Le personnage de Iemon, un samouraï déchu, est montré dès les premières secondes dans toute son ignominie, assassinant le père de la jeune femme qu'il courtisait suite au refus de lui accorder sa main. L'action filmée par la caméra comme cachée dans la forêt avoisinante scelle un pacte avec un autre personnage, Naosuke, et tous deux iront d'horreur en déshonneur pour sécuriser leur rapprochement avec deux femmes qui sont sœurs. Un cran supplémentaire dans l'abjection, Iemon empoisonne sa femme après avoir soudoyé son masseur pour qu'il la séduise (apparemment un adultère donnerait ce droit au mari bafoué, sacrée époque), tue ce dernier et se barre dans l'optique de se marier à une autre femme qui s'avère être une riche héritière. Bien barré comme environnement. Niveau machiavélisme, on se situe tout en haut de l'échelle.

C'est un film intéressant et prenant pour la barbarie qu'il met en scène et pour le retour de bâton qu'elle occasionnera, puisque les morts reviendront hanter les deux assassins : les crimes ne resteront pas impunis, et la vengeance sera terrible. L'empreinte de la décennie 1950 confère à cette histoire horrifique un cachet très particulier, notamment dans le travail sur les couleurs, alimentant une atmosphère lourde qui aurait sans doute gagnée à être davantage prononcée. La composante horrifique prend son temps pour exploser (une constante chez Nagakawa ?) mais à partir du moment où les cauchemars reviennent hanter les deux personnages en brisant la frontière entre réalité et hallucination, la machine se fait très efficace et concrétise le potentiel de la première partie.

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