no_direction_home_bob_dylan.jpg, févr. 2024
"Hey man... I don't mind being shot, I just don't dig being told about it."

La plus-value est rare je trouve au sein des documentaires consacrés à des grandes figures connues de l'histoire musicale, ces derniers se transformant souvent en panégyriques consensuels ne faisant pas mieux qu'une synthèse imagée de la page Wikipédia correspondante. En toute sincérité je pensais que ce serait le cas pour Martin Scorsese avec No Direction Home: Bob Dylan, dans lequel il a officié pas vraiment en tant que réalisateur mais plutôt en tant que monteur, puisque il a repris un projet et des enregistrements de concerts ou d'entretiens d'époque et plus contemporains. C'est donc contre mes préjugés que ces 3h30 ont développé un portrait très intéressant et sincère consacré à une partie spécifique de la carrière de Dylan, sa transition Folk → Rock, de ses débuts en 1961 jusqu'à l'accident de moto (c'est en tous cas l'argument officiel) de 1966 qui mit un coup d'arrêt à ses tournées pendant 8 ans.

Un docu au long cours qui prend le temps de déployer une certaine richesse d'interviews, globalement chronologiques hormis peut-être quelques interruptions épisodiques au travers d'un échange plus récent (datant probablement du début des années 2000) dont des extraits sont régulièrement disséminés. Ce qui structure la partie "historique", c'est très clairement la grande transition de Dylan de la Folk un peu traditionnelle, type protest song, vers les sonorités plus électriques du Rock qui ont rendu fou une bonne partie de ses fans à l'époque — et qui dans le même temps lui ont permis d'atteindre un public qu'il n'aurait jamais pu atteindre autrement. On peut grossièrement placer cette charnière au niveau d'un album, le mythique Highway 61 Revisited, et le film donne à voir des images d'archive très à propos de la période, montrant Dylan sifflé et hué en concert, avec nombre de spectateurs mécontents qui râlent méchamment et ragent en quittant le concert. C'est assez drôle avec le recul.

La partie la plus académique porte sur l'élaboration de la généalogie de la musique du chanteur originaire du Minnesota qui a migré vers New York, à Greenwich Village, pour rencontrer son idole, Woody Guthrie, suivre ses ambitions musicales et lancer sa carrière. On égraine des grands noms de la Country et de la Folk qui l'ont influencé, Hank Williams, Joan Baez, Muddy Waters aussi pour des ascendances plus Blues, et une belle pelletée de références plus confidentielles qui donnent envie de plonger dedans, Johnnie Ray, Webb Pierce, Peter Lafarge, ou encore cette Odetta particulièrement attirante dans un registre plus Rhythm and Blues. L'histoire des reprises de certaines chansons est assez marrante, comme par exemple le cas de "House of the Rising Sun" dont la célèbre version enregistrée par The Animals a longtemps été considérée comme l'originale. L'amitié esquissée avec Johnny Cash, aussi, vaut le détour, au même titre que le lien avec Joan Baez. Un portrait en tous cas extrêmement nuancé, garni de très nombreux témoignages et montrant des facettes largement antipathiques (son comportement en interview, face à des questions connes de journalistes, est à la fois franchement réjouissant mais aussi déconcertant) et un début de transformation physique et mentale au milieu des années 1960.

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