Difficile de faire plus déstabilisant et dérangeant qu'un film pareil, situé aux antipodes du cinéma d'horreur conventionnel (que ce soit dans la contextualisation du mal, dans la mise en scène des atrocités, ou dans le positionnement général). Et même s'il flatte dans une certaine mesure les stéréotypes que l'on nourrit vis-à-vis du cinéma autrichien déviant, Angst me paraît évoluer dans des sphères d'intentions qui ne partagent quasiment rien aux classiques souvent cités en comparaison, Haneke, Seidl et compagnie. La principale différence étant le positionnement moral, conditionnant à peu près toute la réception qu'on peut avoir d'œuvres comme Funny Games ou Import/Export — il fut un temps où je ne jurais que par ce genre de films, et que j'appréciais très sincèrement, mais depuis j'en suis largement revenu et je pense qu'un nouveau visionnage leur serait fatal. En tous cas, il y a dans la démarche de Gerald Kargl quelque chose qui m'est beaucoup plus intelligible, quand bien même cela ne correspondrait pas à ce que je recherche aujourd'hui et quand bien même j'aurais très bien pu apprécier un tel film dans une vie passée.
Évidemment, la première chose qui choque, ce qui nous est infligé en gros plan dès les premières secondes (après le premier quart d'heure d'exposition psychologique sous forme de récit-photo express), c'est le visage ultra-anguleux de Erwin Leder en excellent candidat au titre de psychopathe le plus flippant. Qu'il paraît loin le temps de son interprétation d'un sous-marinier dans le Das Boot de Wolfgang Petersen... alors que seulement une année séparent les deux films. Il faut dire que le travail de mise en scène et de photographie (Zbigniew Rybczynski) tourne à plein régime pour nous alimenter en plans improbables, soit par des angles et des cadrages biscornus et inhabituels, soit par le recours à la snorricam (j'ai découvert le terme en cherchant comme avaient été prises certaines images très proches en contre-plongée), un appareillage fixé directement face à l'acteur — voire au-dessus avec ajout d'un miroir au niveau du ventre de l'acteur pour obtenir la contre-plongée en plongée.
En complément de ces traits glaciaux et de l'atmosphère particulièrement lugubre qui englobe les agissements meurtriers de cet ex-détenu fraîchement sorti de prison (ah, ce laxisme de la justice qui libère à la chaîne de dangereux criminels !), un parti pris notable envahit la piste audio : on nage en pleine introspection meurtrière puisque une voix off nous narre l'intégralité des pulsions du protagoniste, ce qu'il avait prévu et ses surprises, ses intentions et la logique de son mode opératoire... Les curseurs du pragmatisme glauque sont poussés au maximum, attention aux âmes sensibles. Je n'ai pas du tout adhéré à toute la contextualisation psychiatrique du tueur (psyché dérangée du fou expliquée par une enfance difficile, en substance), mais en revanche la démarche consistant à donner l'impression d'un temps réel pseudo-documentaire entre sa sortie de prison et la fin du film est d'une efficacité redoutable, ça prend à la gorge et ça ne relâchera pas avant d'avoir fini son œuvre une grosse heure plus tard. Malgré tout le fait qu'on soit en prise directe avec ses sensations, donnant une coloration éminemment radicale aux actions qui se déroulent sous nos yeux, offre une dissonance de perception assez remarquable et originale. C'est d'ailleurs en ce sens qu'on s'éloigne du banal "histoire abominable inspirée de faits réels" (même si c'est bien le cas), puisque le contact direct avec son esprit malade se fait quasiment vecteur d'une forme d'empathie non-désirée et dans un registre surréaliste nous partageant ses nombreux déséquilibres. Sensation hautement désagréable.











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