mes_freres_et_moi.jpg, mars 2024
La grande débrouille

Mes frères et moi est de ces films dont personnellement je n'attendais pas grand-chose — voire rien du tout — et qui se trouvent être des petits films sans ambitions démesurées mais qui in fine valent vraiment le détour. Ici, la bonne surprise tient au fait que Yohan Manca déplie le narratif avec une fluidité très agréable, tout en maniant judicieusement les archétypes d'un genre (ici un récit d'apprentissage qui survient dans un quartier populaire en bord de Méditerranée) et une direction d'acteur très appropriée. En l'occurrence, l'histoire de Nour, un gamin de 14 ans débrouillard mais un peu pris au piège de ses maillons familiaux avec trois grands-frères qui prennent beaucoup de place et des parents absents, un père déserteur et une mère en soins palliatifs.

Le côté très compartimenté de la fratrie peut faire peur au début : ils sont quatre et chacun a son petit descriptif bien déterminé pour créer un personnage qui se différencie des autres. Nour passe l'été à devoir effectuer des travaux d'intérêt général (on ne saura pas pourquoi et c'est très bien), Hédi incarne l'ado rageur et violent, Mo le jeune adulte et gros dragueur (dans l'arrière-plan traîne la question de la prostitution pour gagner de l'argent), et Abel représente l'aîné très autoritaire et patriarche de substitution. Ils se foutent souvent sur la gueule mais ils restent particulièrement soudés près de leur mère plongée dans un coma qui dure depuis longtemps et dont la santé décline rapidement depuis peu. Les 4 acteurs, Maël Rouin Berrandou, Moncef Farfar, Sofian Khammes et Dali Benssalah respectivement, imposent parfaitement leurs personnages et forcent le respect.

La péripétie principale tient à la découverte d'un penchant artistique chez Nour, quand il passe la tête dans un cours estival de chant lyrique là où il était censé repeindre un couloir dans son collège, et où l'on découvre une sorte de talent caché. La figure peut paraître un peu trop stéréotypée énoncée de la sorte mais son interaction avec la chanteuse-prof interprétée très justement par Judith Chemla lève toutes les appréhensions. On est clairement dans le pré carré des horizons qui s'ouvrent au sein d'une toile de fond baignant dans les problèmes familiaux, mais le film se garde bien de recourir au moindre misérabilisme. Il dépeint un microcosme de la débrouille, avec ce fameux climat de l'été et des grandes vacances de l'enfance, et cette évasion sous l'angle culturel (à grand renfort de son air d’opéra préféré, "Una furtiva lagrima", de Gaetano Donizetti, produisant un effet assez particulier dans ce contexte) brille par sa chaleur, son humour et sa tendresse qui coupent l'herbe sous le pied de tous les clichés.

img1.jpg, mars 2024 img2.jpg, mars 2024 img3.jpg, mars 2024 img4.jpg, mars 2024