Comment ne pas abonder dans le sens d’Olivier qui m’a donné envie de lire ce roman de Patrick Pécherot. Tranchecaille coche toutes les cases du roman qui importe. Présumé coupable de l’assassinat de son lieutenant sur le front, le soldat Jonas s'apprête à être jugé par un conseil de guerre. Le verdict de son procès ne fait pas mystère, il est connu dès les premières pages. Les témoignages de Jonas seront confrontés aux dépositions de ses camarades poilus dans un style qui emprunte à l’argot des tranchées. Jonas émeut. L’ambivalence du personnage, au surnom de Tranchecaille qui lui vient d’une plaisanterie sur son uniforme trop large (écho à l’affaire du pantalon), est désarmante. Jonas plaidera son innocence même quand les preuves et les circonstances l’accableront. Jonas semble singer l’absurdité militaire dans l’ombre de ses déclarations qui relatent son itinéraire scabreux. Soupçonnant son pouvoir de double jeu, le lecteur est plongé dans le doute et il faut bien la sagacité de ses attentifs enquêteurs - le capitaine Duparc et son greffier, le caporal Bohman - pour le défendre. Ce polar à la langue imagée dépasse largement le cadre de la fiction et réussit son travail de mémoire en posant son intrigue sur le Chemin des Dames, aux prémisses des mutineries qui suivirent l’hécatombe de la bataille de l’Aisne (110 000 morts et blessés) comme sur la Somme et à Verdun.