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Trilogie sénégalaise inachevée

1 - Le Franc

Drôle de virage pris par Djibril Diop Mambety, seulement deux ans après Hyènes, pour se tourner vers une production de taille beaucoup plus modeste à l'occasion d'un diptyque (qui devait initialement être une trilogie consacrée à l'emprise de l'argent avant que Mambéty ne meure en 1998) baptisé "Histoires de petites gens" dont Le Franc est le premier volet. Mais il ne délaisse en rien ce qui semble être son style, poésie surréaliste à Dakar, conte agréablement fantasque peuplé de personnages bigarrés et attachants, issu d'un contexte particulier au Sénégal en lien avec la dévaluation du franc CFA en 1994.

L'histoire d'un ticket de loterie (motif vu dernièrement dans Le Million de René Clair, dans un registre esthétique diamétralement opposé) qui se révèle davantage comme une question de survie qu'autre chose chez le personnage principal Marigo, un musicien à la rue après que sa logeuse lui a confisqué son instrument de musique (un congoma) pour loyers impayés. Le burlesque du moyen-métrage tient à mi-parcours au fait qu'il a collé le ticket à la colle forte sur une porte, et qu'il est contraint de la sortir de ses gonds pour se balader avec et traverser la ville avec la porte sur son dos. Illusions de l'argent, naïveté assumée, couleurs magnifiques, et quelques visions cauchemardesques de décharges qui anticipent en mode mineur Welcome to Sodom du côté du Ghana.

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2 - La Petite Vendeuse de soleil

Le petit tour d'horizon des derniers temps de la filmographie de Djibril Diop Mambéty à l'occasion de ce diptyque "Histoires de petites gens" aura été particulièrement agréable et surprenant, un territoire qu'il me faudra explorer encore davantage aux côtés de Ousmane Sembène (Camp de Thiaroye). La tonalité poétique et surréaliste dans Le Franc est reprise ici, les rues de Dakar pourraient avoir été filmées à peu près au même moment et avec les mêmes intentions, sauf qu'ici c'est Sili, une jeune mendiante handicapée, qui occupe le terrain. Une jeune fille qui se convertit à la vente de journaux à la criée, après avoir observé des groupes de garçons faire la même chose.

La Petite Vendeuse de soleil ce n'est que ça : l'observation des pérégrinations de cette protagoniste qui boîte, qui déambule péniblement (mais fièrement), qui sans cesse chute et sans cesse se relève. C'est un petit monde sans pitié qui est capté avec beaucoup de bienveillance, à la cruauté des enfants se mêlent les premières affirmations de soi — grand et drôle moment lorsqu'elle décide d'aller au commissariat pour faire la leçon à un policier l'ayant accusée à tort de vol. La thématique de la dépendance à l'argent est relayée ici aussi, c'est en vendant des journaux que Sili pourra acheter entre autres un parasol pour sa grand-mère aveugle, en parallèle d'un portrait plus général des enfants de la rue. Un assemblage de motifs poétiques que l'on voit rarement au cinéma, débouchant sur une belle rencontre et une solide amitié.

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