Dans la filmographie de Mikio Naruse, Le Sifflement de Kotan est du genre à détonner : il ne s'agit pas d'un mélodrame urbain en lien avec des tourments amoureux, la source des conflits ne provient pas à proprement parler de l'intérieur du cercle familial, et le personnage principal n'est pas une femme. Autant de cases non-cochées suscitent la curiosité de la part du cinéaste japonais, au cours de la deuxième moitié de sa carrière, et ce d'autant plus qu'il s'intéresse ici au sort des Aïnous, un peuple autochtone vivant dans le Nord du Japon et en particulier dans l'île d'Hokkaidō, confrontés à un racisme persistant de la part des Japonais.
Sans rentrer dans une logique purement morale et didactique, le film de Naruse a de quoi surprendre dans sa dimension quelque peu académique. On se doute bien que ce sujet grave traité par ce réalisateur ne laissera pas beaucoup de place à la comédie, c'est une évidence... En revanche, la description des conditions de vie de ces miséreux et des réactions hostiles diverses que leur seule existence suscite peine à s'élever au-delà des platitudes : aussi, sur les plus de deux heures que dure le film, une grande partie sera consacrée aux brimades subies par le jeune Yukata, un collégien de 13 ans faisant l'objet de commentaires racistes pendant tout le film. Naruse essaie d'élever le niveau en montrant dans un premier temps sa volonté de prouver qu'il n'est pas différent (il veut comparer son sang avec celui de son rival sous un microscope) puis dans un second temps qu'il a ses limites (il demande à se battre en duel à mort). Mais au bout de la dixième moquerie, même assortie d'un papier collé dans le dos stipulant "quand je serai grand, je serai une attraction touristique", une certaine lassitude se fait sentir.
Pourtant Naruse parvient de temps en temps à aborder des sujets moins puérils en matière de discrimination, notamment lorsque le personnage du professeur (interprété par Takashi Shimura, grand fidèle de Kurosawa) montre les limites de ses grandes leçons de tolérance quand il s'agit de les transformer en actes pour soi-même : la grand-mère d'une fille Aïnoue vient lui demander son accord pour la marier à son fils, ce qu'il refuse avec beaucoup de circonvolutions et d'hypocrisie. Un événement majeur du film, qui conduira d'une part à la maladie grave pour la grand-mère et à la disparition pure et simple de la petite-fille sans que personne ne sache où elle s'est enfuie — on n'en entendra plus parler dans le film. Naruse n'en finit pas de nous matraquer avec les coups du sort, enchaînant les accidents, les morts, les humiliations. Seuls les enfants, excellents Ken Yamauchi et Yoshiko Kōda, portent en eux un petit bout d'espoir avec leur grande patience (même si le final peine à emporter dans son élan optimiste). Le Sifflement de otan" constitue à ce titre une sorte d'aberration au sein des films de Naruse, en se consacrant à une injustice sociale aussi singulière.






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