Coïncidence cinématographique, en l'espace de quelques mois deux films documentaires croisent ma route : ils sont consacrés au même sujet, la figure de Patrice Lumumba comme marqueur de l'indépendance du Congo et son assassinat aux prémices de la décolonisation, et ils arborent un parti pris formel très original, fragmenté, kaléidoscopique. Le premier, c'était Lumumba, la mort du prophète, dans lequel Raoul Peck mêlait souvenirs d’enfance, témoignages, archives et questionnements personnels, sur une durée très resserrée d'à peine plus d'une heure. Le second, c'est donc Bande-son pour un coup d'État réalisé par Johan Grimonprez, mais cette fois-ci sur plus de 2h30.
Premier constat, premier ressenti : le couplage longue durée / format baroque, nous bombardant d'informations sous de nombreuses formes (musiques, citations, inscriptions à l'écran, témoignages, extraits audio, images d'archive, etc.) de manière presque stroboscopique, est tout particulièrement éreintant. À titre personnel j'ai fait le choix d'accepter de ne pas tout suivre de manière hautement assidue, en me contentant de piocher de temps en temps un passage méritant plus d'attention que le précédent, guidé par ma concentration et mon endurance. Il me paraît impossible de tenir à un niveau maximal d'implication sur la totalité du docu, tellement les époques se télescopent et les intervenants se succèdent, le tout à un rythme effréné, sans éléments contextuels évidents de manière systématique. D'ailleurs, petit regret, de très nombreux extraits audio ou vidéo ne sont pas légendés, de telle sorte qu'on ne sait pas vraiment comment prendre ce qu'on observe ou écoute. Une expérience très particulière en tous cas, à la limite de l'expérimental.
Malgré tout la particularité thématique retenue par Grimonprez maintient une attention latente : ce croisement entre histoire de la décolonisation et histoire du jazz, les deux étant manifestement reliées au sein de la guerre froide. Le film mentionne comment la chanteuse Abbey Lincoln et le batteur Max Roach ont fait irruption avec des dizaines de militants américains au Conseil de sécurité des Nations unies suite à l'assassinat de Lumumba ; comment Louis Armstrong, nommé "ambassadeur du Jazz", fut envoyé en mission par les USA au Congo pour détourner l’attention du coup d’État soutenu par la CIA, faisant de lui une diversion malgré lui ; comment de manière plus générale le soft power états-unien au travers de nombreux musiciens de jazz fut mit à contribution pour assurer un accès privilégié aux sous-sols africains riches en uranium... Le film croise de très nombreux registres, géopolitique, musique, histoire, juxtapose des discours anti-colonisation de Nikita Khrouchtchev et des enregistrements de concert jazz des années 1960, parle autant de guerre civile au Congo que d'ingérences occidentales, du soutien de Malcolm X croisé avec la bataille pour les droits civiques et des prestations de Nina Simone, Duke Ellington, ou encore Dizzy Gillespie.
On en sort partagé, entre désorientation profonde et générale devant un tel kaléidoscope frénétique de 2h30 et submersion sous le flot ininterrompu d'informations altérant la lisibilité de l'histoire. Mais, malgré tout, galvanisé par l'écriture de cette page historique, moment charnière, avec l’entrée de seize nouveaux membres aux Nations Unies qui fit pencher l'institution vers le Sud global.








Dernières interactions
Avec plaisir. Je vous prépare une petite liste que je vous enverrai par mail,…
12/11/2025, 11:26
Oh merci beaucoup pour votre réponse et votre commentaire sur le festival ! Je…
12/11/2025, 09:19
Bonjour Ann, Quel beau projet, je suis allé faire un tour sur le site du…
11/11/2025, 16:07
Bonjour, puis-je vous demander comment vous avez pu le voir ? Je m'occupe de la…
11/11/2025, 15:49
Et je note le conseil BD, merci ! Noël approche... :)
28/10/2025, 21:15
Je note Prospect et celui-ci, à l’occasion, merci ! Dans le genre vaisseau parti…
28/10/2025, 20:48