
Lorsqu’il est question de fermeture d’usine en France, je pense à la virulence des salariés qui se mettent à bloquer les activités de leurs entreprises (1), à séquestrer leurs dirigeants (2), à menacer de faire exploser leurs outils de production, ou à incendier leurs usines (3) pour contester un plan social ou une délocalisation qui se révèle injuste et abusive. Car pour une entreprise, être bénéficiaire ne compte plus, l’important n’est pas de gagner de l’argent :
La question est : est-ce que vous gagnez autant qu’il est humainement possible, et sinon, pourquoi.
Iain Levison ne doit pas beaucoup noircir le portait et la détresse de ces nouveaux chômeurs pour donner une vraisemblance à Jake, le héros de ce roman noir.
Jake est sans boulot suite à la fermeture de l’unique usine de la petite ville américaine où il a grandi. Jake est fauché, il a des dettes, sa copine l’a quitté, et il se trouve dans le plus simple et compréhensible désenchantement moral, parce que des petits malins de Wall Street ont décidé que leur usine ferait de plus gros bénéfices si elle se trouvait au Mexique.
Quand un bookmaker mafieux lui propose de jouer les tueurs à gages, Jake fait mine d’avoir des cas de conscience. Mais en réalité, il est ravi. Il va se montrer à la hauteur de son nouveau «petit boulot», plus que son employeur le soupçonne. Car Jake prépare en catimini sa liste des gens à abattre de quoi calmer sa colère contre le système. C’est un tueur amateur, mais un travailleur consciencieux et décidé qui nous fait partager ses états d’âme. Chacun de ses crimes sera l’occasion d’une idiotie, et le lieu d’une franche rigolade.
Iain Levison brosse le portrait d’un tueur sympathique. Une histoire décalée, parfois tordante et vraiment féroce. Voilà comment un livre sur le chômage, la précarité et l'exclusion des habitants d'une petite ville américaine me met de bonne humeur.
(1) le blocage généralisé des raffineries Total, en 2010
(2) les salariés de l’usine Molex à Villemur-sur-Tarn ont séquestré deux dirigeants pendant 26 heures, en 2009
(3) les salariés de JLG à Tonneins et de Nortel France ont menacé de détruire leurs outils, et d'incendier leur usine en faisant sauter des bouteilles de gaz, en 2009
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