Werner Herzog, encore. (Et c'est pas fini, pauvres lecteurs...)
Est-il besoin d'insister sur le fait que Nicole Kidman constitue un choix de casting pour le moins surprenant, audacieux diront certains, pour interpréter Gertrude Bell, archéologue, exploratrice, écrivaine, femme politique, et espionne anglaise qui sillonna les régions désertiques du Moyen-Orient au début du XXe siècle, à la rencontre des tribus bédouines pour le compte de l'empire britannique ? Kidman et sa peau diaphane à la conquête des dunes de sable, à dos de dromadaire, sous un soleil de plomb, c'est en tout état de cause une expérience particulière, à la limite de l'abstraction et de l'expérimental...
Et de voir Werner Herzog investir ce registre on ne peut plus académique, le biopic à capitaux américains, faisant défiler ses célébrités (on voit notamment passer James Franco et Robert Pattinson), voilà encore une tournure de filmographie étonnante. En revanche, le fait que le cinéaste allemand ait pu être intéressé par le personnage de Gertrude Bell relève presque de la logique pure. Femme de lettres au caractère imposant, elle consacra ses premières années post-études à l'alpinisme avant de s'intéresser à l'archéologie dans l'Empire ottoman, et on imagine aisément la figure hautement baroque d'une telle aventurière parcourant ces espaces largement masculins (tant sous les tentes des cheiks arabes que dans les bureaux des diplomates anglais) pour devenir une experte de la géopolitique locale. C'est un peu l'équivalent féminin de T.E. Lawrence, aka le beaucoup plus renommé Lawrence d'Arabie ici interprété par Pattinson (aussi pâle que madame, le budget crème solaire fut vraisemblablement conséquent).
Reste que pour tout (faux) disciple de Herzog, c'est toujours assez passionnant de le voir investir un genre aussi codifié et de voir quelques fondations trembler. Il y a de nombreuses traces de bizarrerie dans ce projet industriel, et on se remémore assez spontanément ses autres productions à caractère fictionnel de la même période, son Bad Lieutenant : Escale à la Nouvelle-Orléans (2009) avec un Nicolas Cage errant, ou son Dans l'œil d'un tueur (2009 également) avec un Michael Shannon psychopathe. Il faut oublier le jeu très affecté et un peu hors-sujet de Kidman pour se laisser absorber par l'utilisation très singulière des décors (clairement pas de studio), par cette façon de capter des séquences avec une caméra exécutant des mouvements étranges, par cette façon de filmer les animaux (des vautours par exemple) ou le vent qui structure le sable du désert sous les pieds des dromadaires, avec l'appui avant-gardiste de drones... Intrigant, mais à réserver à un public de niche passionné par les errements du conquistador de l'inutile.
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