Drôle de continuité entre le dernier documentaire vu, L'Homme aux mille visages, consacré à un homme aux vies multiples adaptant comportement et personnalité en fonction de la femme à ses côtés (et avec 4 femmes en même temps, grands talents de comédien). Le film écrit et réalisé par Aaron Schimberg investit un domaine connexe dans le registre fictionnel, dans une veine qui pourrait (très rapidement, et de loin) évoquer Elephant Man de feu David Lynch : le portrait psychologique et existentiel d'un homme atteint de neurofibromatose aiguë lui ravageant le visage qui bénéficie d'un traitement expérimental et qui peut envisager de retrouver un visage normal.
A Different Man est un film agréablement bizarre, au sens où il cultive une appréciation de la difformité extrême sans en faire une fin en soi, en mode "monstre de foire" ou Freaks-ploitation. Le premier temps est consacré à l'observation du quotidien forcément difficile du protagoniste (Sebastian Stan), marqué par son visage extrêmement déformé, et fatalement très lourd à supporter. Les regards dans le métro, les sous-entendus, les manifestations d'anormalités sont légion. Puis, par l'entremise d'une thérapie médicale expérimentale occasionnant quelques extraits gores, il retrouve un visage considéré comme normal, et une ellipse nous projette dans un futur proche où il devenu un agent immobilier beau et talentueux qui va se lancer dans une carrière d'acteur amateur au théâtre, dans une pièce inspirée de sa propre vie (la metteuse en scène était sa voisine). Premier niveau de bizarrerie dans l'écriture, puisqu'on observe cet homme "réparé" attiré par l'interprétation de son ancien lui-même... Et la bizarrerie ne fera qu'enfler lorsqu'un autre homme, atteint lui aussi de neurofibromatose (Adam Pearson, acteur souffrant de la pathologie pour de bon, choix de casting incroyable) mais particulièrement à l'aise dans sa peau, lui disputera son rôle.
Le film n'est pas du tout parfait, mais jouit d'un potentiel assez fort et l'exploite malgré tout un minimum. Forcément on observe l'évolution du comportement du héros comme des entomologistes, à mesure que son anxiété passée refait surface et se mêle aux nouveaux problèmes qu'il doit affronter dans sa nouvelle vie. Le film questionne pas mal de thèmes, pitié, dégoût, narcissisme, et contemple les séquelles psychologiques laissées par le handicap (plutôt que le handicap lui-même), en montrant toutes les horreurs que peut contenir une vie "normale" (symbolisée par son nouveau nom, Guy), ou comment les cauchemars peuvent émerger dans une vie rêvée en apparence... Le personnage trouvera très peu d'épanouissement après sa transformation / guérison, contre toute attente, comme s'il était impossible pour lui d'effacer le passif des humiliations qu'il a si longtemps endurées. Ambiance très étrange en tous cas, entre symbolisme, onirisme, et humour noir (c'est la dernière note : "Oh my friend, you haven't changed a bit"), parfois un peu trop obscur, un peu trop absurde, mais explorant une marge appréciable.
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