mercredi 03 décembre 2025

The Betrayal (Daisatsujin orochi, 大殺陣雄呂血), de Tokuzō Tanaka (1966)

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Patience de la révolte

Dans le registre du chanbara, les thèmes de la trahison, de la loyauté, ou encore de la morale (fausse ou vertueuse) ont déjà été explorés à maintes reprises, déjà, lorsque sort The Betrayal en 1966. Un des jalons les mieux établis dans ce domaine est probablement la contribution de Masaki Kobayashi avec Harakiri (1962), un modèle à mes yeux difficilement dépassable en termes de fond comme de forme. Dans le cas présent, même s'il manque au film de Tokuzō Tanaka quelques éléments pour en faire une œuvre vraiment excellente, il n'en reste pas moins remarquable, très agréable à suivre, et contenant son lot de séquences particulièrement mémorables.

Il s'agit en réalité d'un remake d'un film muet des années 1920, Orochi, positionné à l'avant-garde du chanbara, reprenant les grandes lignes d'une situation totalement intelligible (à la différence d'autres films du genre de l'époque) : un samouraï doit se sacrifier pour protéger l'honneur de son dojo, et on lui demande de s'exiler pendant un an afin de couvrir les agissements peu glorieux de deux protégés du maître. Déjà, on sent la morale vacillante, puisque les deux samouraïs en question se sont comportés comme de grands pleutres en assassinant un homme d'un clan rival en l'attaquant de dos... Mais les apparences vertueuses du bushido prendront un coup encore plus puissant lorsque le protagoniste reviendra de son expatriation pour découvrir qu'il est devenu le coupable aux yeux de presque tous.

C'est Raizō Ichikawa qui interprète Takuma, ce samouraï un peu trop naïf, déchu de son rang, victime d'une trahison infecte qui lui coûtera tout, jusqu'à l'idylle qu'il espérait renouer avec son amante Namie. The Betrayal a beau être très simple dans son exécution, le drame qui enfle autour du héros conduit à transformer progressivement son amertume en une rage vengeresse plutôt imprévisible, et à mesure que sa foi pour les principes du samouraï s'étiole, son ostracisation tant physique que morale (il semble être le seul à accorder une importance sincère à la vérité au-delà des arrangements opportunistes et hypocrites) le fera passer du statut de victime vulnérable à celui de bête furieuse.

Même si on peut regretter la faiblesse dans l'écriture de plusieurs personnages secondaires ainsi que la limite de la résolution (notamment le sort réservé au coupable archi détestable Jurota, très bien interprété par Ichirô Nakatani et ses airs perfides), quelques belles séquences rythment le récit. La relation avec une femme qui l'a sauvée, les retrouvailles avec sa promise dans une maison close, sans qu'un seul mot ne soit échangé, tout dans les regards éloquents... C'est un chanbara étrangement épuré qui jouit d'une photographie élégante, sobre et sans vraie fulgurance, mais qui culmine dans une séquence finale proprement hallucinante. Quinze minutes de combats sans interruption, à un contre cent, dans une ambiance forcément surréaliste mais très réussie dans la mise en scène de l'épuisement absolu. Ichikawa incarne avec une fougue difficilement comparable cette bête enragée laissant exprimer, enfin, sa colère accumulée pendant tout ce temps, fendant inlassablement les corps ennemis de son sabre, à mesure que la fatigue prend le dessus — il passe peu à peu du combat debout au combat presque couché, après avoir affronté des hordes de samouraïs armés de sabres, de lances, d'échelles, de cordes, de plaques... L'apogée de cette tension teintée de fatigue arrive lorsque son épée se rompt et qu'il doit littéralement arracher ses doigts crispés, comme collés au manche, un à un, avant de reprendre le combat.

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lundi 01 décembre 2025

Tardes de soledad, de Albert Serra (2025)

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Rouge sang et gonades opulentes Un peu plus de deux heures de lentes mises à mort de taureaux, entrecoupées par quelques séquences en dehors de l'arène, voilà le programme exhaustif de Tardes de soledad. Le genre documentaire n'est pas forcément là où on attendait Albert Serra, mais en réalité en y  […]

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mardi 25 novembre 2025

Alpinistes de Staline, de Cédric Gras (2020)

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"Il ne faut pas plaindre ces hommes d’avoir vécu sous l’URSS. Pas ceux-là. Elle leur a offert des aventures comme peu en vivent de nos jours." C'est en voulant se renseigner sur l'origine d'un coinceur mécanique portant leur nom, utilisé en alpinisme, au même titre qu'un système  […]

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lundi 24 novembre 2025

On the Bowery, de Lionel Rogosin (1956)

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"The saddest and the maddest street in the world." Dans la veine du docufiction, Lionel Rogosin est allé observer ce qui se passait dans le quartier new-yorkais du Bowery, situé au sud de Manhattan, autour d'une rue caractérisée par la présence de nombreux marginaux au milieu du XXe  […]

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jeudi 20 novembre 2025

Larmes de clown (He Who Gets Slapped), Victor Sjöström (1924)

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"In the grim comedy of life, it has been wisely said that the last laugh is the best..." Le cirque comme reflet des drames et des injustices de la vie commune, c'est un sujet de cinéma qu'on connaît bien aujourd'hui si on s'intéresse un tout petit peu à la période du muet mais à l'époque  […]

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mercredi 19 novembre 2025

8 años et Sonido Cósmico, de Hermanos Gutiérrez (2017 et 2024)

8_anos.jpg, 2025/01/29

Balades instrumentales à deux guitares Encore une découverte que je dois à des errances sur les lives de qualité proposés par KEXP... En l'occurrence celui-ci, de novembre 2023 : lien. Les Hermanos Gutiérrez, soit un duo instrumental formé par des frérots guitaristes en provenance de Suisse et  […]

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lundi 17 novembre 2025

De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites (The Effect of Gamma Rays on Man-in-the-Moon Marigolds), de Paul Newman (1972)

de_l_influence_des_rayons_gamma_sur_le_comportement_des_marguerites.jpg, 2025/11/03

"My heart is full!" Indépendamment de toute qualité objective du film, je trouve intéressant l'idée de se pencher sur une telle œuvre réalisée par Paul Newman (troisième mise en scène de sa part, sortie peu après son adaptation de Le Clan des irréductibles), lui qui a tant incarné dans sa  […]

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jeudi 13 novembre 2025

Bande-son pour un coup d'État (Soundtrack to a Coup d'Etat), de Johan Grimonprez (2024)

soundtrack_to_a_coup_d_etat.jpg, 2025/10/03

Kaléidoscope géopolitico-jazz Coïncidence cinématographique, en l'espace de quelques mois deux films documentaires croisent ma route : ils sont consacrés au même sujet, la figure de Patrice Lumumba comme marqueur de l'indépendance du Congo et son assassinat aux prémices de la décolonisation, et ils  […]

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