Dans le registre du chanbara, les thèmes de la trahison, de la loyauté, ou encore de la morale (fausse ou vertueuse) ont déjà été explorés à maintes reprises, déjà, lorsque sort The Betrayal en 1966. Un des jalons les mieux établis dans ce domaine est probablement la contribution de Masaki Kobayashi avec Harakiri (1962), un modèle à mes yeux difficilement dépassable en termes de fond comme de forme. Dans le cas présent, même s'il manque au film de Tokuzō Tanaka quelques éléments pour en faire une œuvre vraiment excellente, il n'en reste pas moins remarquable, très agréable à suivre, et contenant son lot de séquences particulièrement mémorables.
Il s'agit en réalité d'un remake d'un film muet des années 1920, Orochi, positionné à l'avant-garde du chanbara, reprenant les grandes lignes d'une situation totalement intelligible (à la différence d'autres films du genre de l'époque) : un samouraï doit se sacrifier pour protéger l'honneur de son dojo, et on lui demande de s'exiler pendant un an afin de couvrir les agissements peu glorieux de deux protégés du maître. Déjà, on sent la morale vacillante, puisque les deux samouraïs en question se sont comportés comme de grands pleutres en assassinant un homme d'un clan rival en l'attaquant de dos... Mais les apparences vertueuses du bushido prendront un coup encore plus puissant lorsque le protagoniste reviendra de son expatriation pour découvrir qu'il est devenu le coupable aux yeux de presque tous.
C'est Raizō Ichikawa qui interprète Takuma, ce samouraï un peu trop naïf, déchu de son rang, victime d'une trahison infecte qui lui coûtera tout, jusqu'à l'idylle qu'il espérait renouer avec son amante Namie. The Betrayal a beau être très simple dans son exécution, le drame qui enfle autour du héros conduit à transformer progressivement son amertume en une rage vengeresse plutôt imprévisible, et à mesure que sa foi pour les principes du samouraï s'étiole, son ostracisation tant physique que morale (il semble être le seul à accorder une importance sincère à la vérité au-delà des arrangements opportunistes et hypocrites) le fera passer du statut de victime vulnérable à celui de bête furieuse.
Même si on peut regretter la faiblesse dans l'écriture de plusieurs personnages secondaires ainsi que la limite de la résolution (notamment le sort réservé au coupable archi détestable Jurota, très bien interprété par Ichirô Nakatani et ses airs perfides), quelques belles séquences rythment le récit. La relation avec une femme qui l'a sauvée, les retrouvailles avec sa promise dans une maison close, sans qu'un seul mot ne soit échangé, tout dans les regards éloquents... C'est un chanbara étrangement épuré qui jouit d'une photographie élégante, sobre et sans vraie fulgurance, mais qui culmine dans une séquence finale proprement hallucinante. Quinze minutes de combats sans interruption, à un contre cent, dans une ambiance forcément surréaliste mais très réussie dans la mise en scène de l'épuisement absolu. Ichikawa incarne avec une fougue difficilement comparable cette bête enragée laissant exprimer, enfin, sa colère accumulée pendant tout ce temps, fendant inlassablement les corps ennemis de son sabre, à mesure que la fatigue prend le dessus — il passe peu à peu du combat debout au combat presque couché, après avoir affronté des hordes de samouraïs armés de sabres, de lances, d'échelles, de cordes, de plaques... L'apogée de cette tension teintée de fatigue arrive lorsque son épée se rompt et qu'il doit littéralement arracher ses doigts crispés, comme collés au manche, un à un, avant de reprendre le combat.












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