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Boys in the hood

Mid90s confirme, non sans un certain plaisir, qu'on peut raconter un peu toujours les mêmes histoires, sans faire preuve d'une grande originalité dans le fond, sans que le résultat ne soit barbant ou pénible, grâce à un mode d'expression particulier. On aurait tendance à l'oublier avec le gavage industriel planétaire dont on fait l'objet (depuis toujours), avec les mêmes filons exploités jusqu'à la moelle et autant d'inclinations plus ou moins masochistes, mais il reste encore tellement d'approches et de sensibilités cinématographiques à inventer... Et c'est Jonah Hill, le gros lourdaud connu entre autres pour son rôle dans des délires comiques potaches (du type 21 Jump Street, plutôt réussi dans le genre), qui fait la leçon de sobriété à l'occasion de sa première réalisation, sous la forme d'un récit d'apprentissage. Le cadre : un gamin un peu paumé d'une famille dysfonctionnelle trouve un second foyer, une seconde source de chaleur auprès d'une bande de skateurs plus âgés dans le Los Angeles des années 90. Peut-être que le créneau choisi (temporel et thématique) tombe par hasard pile poil là où ça me parle, c'est une hypothèse qu'il ne faut pas négliger, mais il me semble que même indépendamment de cela, le film vise juste.

Que ce soit le protagoniste de 13 ans Sunny Suljic (le fils de Colin Farrell et Nicole Kidman dans La Mise à mort du cerf sacré) ou certains de ses potes skateurs (Olan Prenatt un blondinet aux longs cheveux bouclés étonnamment féminin par moments, ou Na-kel Smith avec sa bonhomie non-feinte), le casting respire la sincérité et la tendresse très naturelles. C'est bien plus qu'un simple "on y croit", c'est de l'ordre de l'alchimie captée on ne sait trop comment, sans artifice, sans procédé technique particulier. Plein de petits trucs à la con, des premières fois, des engueulades, des découvertes, des expérimentations, des gamelles : tout un décorum qui me parle instantanément, sans forcer. Qui plus est serti d'un regard à la hauteur parfaite, celle du jeune ado tout juste sorti de l'enfance, pas trop loin du regard d'un Larry Clark — en beaucoup moins sale et poisseux.

Le tableau peut paraître un peu trop lisse, un peu trop propre, un peu trop simple, mais il propose néanmoins une plongée assez prenante dans les années 90. Le hasard m'a fait regarder le lendemain un film réellement ancré dans cette période-là, en l'occurrence Boyz N the Hood (1991), et les passerelles stylistiques entre les deux films sont étonnantes, alors que trente années les séparent : on mesure ainsi le soin apporté ici à la retranscription de cet univers. C'est presque de l'ordre du revival nostalgique, après la mode des années 80 de ces dernières années. L'immersion est totale, par la musique, par le skate, par les habitudes, par l'ambiance, par les préoccupations, par le format, et même par le style graphique. Il n'y a pas de grands enjeux narratifs, pas d'accès de sentimentalisme ni de misérabilisme. Les complications familiales ne sont pas soulignées avec insistance, la modestie reste de rigueur. Et de cette finesse découle une certaine justesse dans le portrait de groupe, dans le vent de liberté qui souffle timidement, dans ce sentiment d'appartenance grandissant.

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