braindead.jpg, mai 2020
"They're not dead exactly, they're just... sort of rotting."

Qui pouvait imaginer, en 1992, que le réalisateur d'un tel climax d'horreur gore baignant dans le jus sanglant de son mauvais goût allait réaliser, 10 ans plus tard, le premier jalon d'un pan majeur du cinéma contemporain d'heroic fantasy ? Cette dissonance incroyable entre les deux (voire trois, si l'on considère ce qui ne relève ni du gore ni de la fantasy) parties de la filmographie de Peter Jackson ne fait que renforcer la sensation de délire total que suscite le visionnage d'une telle... chose.

Toute la maladresse de série B, omniprésente, se trouve admirablement évacuée par le bon esprit de l'ensemble qui irradie de toute sa force et ce dans tous les recoins du film. L'histoire entre Lionel et sa mère possessive et irascible, sa relation avec la gentille et dévouée Paquita, le prologue sur l'île de Sumatra avec la première incidence du gore franc (et qui ouvre à ce titre une infinité de possibles, au point qu'on craint de voir un démembrement à chaque occasion) : tout cela ferait bien évidemment hausser des épaules si ça ne constituait pas le carburant d'une comédie horrifique totalement foutraque. Foutraque, mais très bien menée  (selon mes yeux et ma sensibilité), car la pandémie de zombies cannibales qui contamine ce microcosme est vraiment bien gérée, avec un sens du crescendo très bien mesuré, et avec un mauvais goût hautement délectable.

On ne compte plus les scènes collector tant elles sont légion, et tous les amateurs de gore déjanté y trouveront leur compte, si tant est que le très mauvais goût ne soit pas source d'urticaire. La quantité de têtes éclatées ou découpées en deux de l'intérieur par un bébé zombie, de mains percées ou tranchées, de parties génitales broyées depuis une tombe, de cages thoraciques défoncées, de monstres gargantuesques en folie, est tout simplement exorbitante. À aucun moment le film ne sera sérieux bien sûr, et les hectolitres de sang sont là pour en témoigner (quand je lis que les techniciens ont dû inventer une sorte de récupérateur au centre des sets pour faire des économies de faux sang...) : c'est d'une générosité sans limite, et Jackson sait très bien aller trop loin — en ce sens, je trouve le film plus réussi que le classique Evil Dead, même si Bruce Campbell aurait sans doute fait un très bon Lionel ici. La frénésie, l'inventivité, et l'orgie finale à grands coups de tondeuse déchiqueteuse sont les piliers de cette farce jouissive qui anime une farandole d'éviscérations dans la joie et l'immense bonne humeur.

final.jpg, mai 2020