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Réactualisation informatique de la théorie du consentement

Les films de science-fiction contemporains produits avec des budgets (relativement) réduits produisent régulièrement de belles surprises. On pourrait même se demander si ce n'est pas exclusivement dans cette direction-là qu'il faudra regarder à terme pour trouver quelque chose de vraiment novateur, loin de l'ambition démesurée, de l'esbroufe, du pathos, ou encore de la répétition sempiternelle des mêmes motifs depuis 1968. En combinant des ingrédients pas nécessairement originaux (un peu de Terminator, quelques références à Alien) dans un fond de sauce typiquement contemporain (les décors de cette forteresse aseptisée font penser à ceux de Ex Machina par exemple), I Am Mother parvient à susciter un certain intérêt et à maintenir une certaine attention tout du long — dans la limite des moyens impartis.

Bien sûr, il sera question de retournement de situation, de vrais faux mensonges, et de nombreux éléments issus du manuel du parfait petit scénariste du XXIe siècle. L'implication du robot "Mother" dans l'administration de la repopulation de la planète paraît claire au début, mais elle prendra une toute autre dimension quand on apprendra qu'elle est en réalité bien plus impliquée que cela dans l'état du monde extérieur. L'extinction de l'espèce humaine oscillera ainsi du hasard malheureux au calcul froid et prémédité, colorant de manière sensiblement différente l'environnement de l'embryon qu'elle a fait naître et qui cherche à s'émanciper, de son éducation classique à sa réaction par conditionnement. On pense tout de suite à plusieurs subterfuges quand le personnage d'Hilary Swank arrive, mais pas forcément à celui qui est fortement suggéré à la fin. Le film se permet également quelques notes humoristiques, comme par exemple d'avoir fait d'un robot un symbole maternel (et donc humain) bien supérieur à celui du personnage de la mère (de substitution) en chair et en os, une baroudeuse pas vraiment portée sur la tendresse.

I Am Mother n'évite cependant pas tous les écueils et débarque un peu trop vite avec ses gros sabots, notamment lorsqu'il cite de but en blanc Kant et Bentham pour les opposer sur le thème de l'utilitarisme, de la confrontation entre la fin et les moyens, et d'autres notions qu'on ne prend naturellement pas le soin de développer ou de questionner. On a ainsi droit a un petit test d'éthique un peu bateau au cours d'une des nombreuses leçons inculquées à la fille : par exemple, le dilemme classique "sauver N personnes en sacrifiant une autre" opposé à "sauver une personne et laisser mourir N autres". Mais la réflexion sur cette IA n'est pas inconséquente, notamment lorsqu'elle s'échine à repeupler la planète avec des humains à son image (et des brouillons). À ce titre, le robot est non seulement capable de sacrifier une de ses parties pour le bien de sa mission, mais aussi de faire croire à l'humain que le choix lui appartient, comme une réactualisation de la théorie du consentement à travers la construction d'un libre-arbitre parfaitement factice.

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