village_des_damnes.jpg, sept. 2020
"A brick wall... a brick wall... I must think of a brick wall..."

La connaissance a priori du contenu de l'intrigue, à travers le remake qu'en a fait John Carpenter en 1995, atténue de manière claire la portée de la première version de Le Village des damnés, un film britannique réalisé en 1960 par Wolf Rilla après plusieurs échecs de production aux États-Unis — des associations religieuses ont vu d'un très mauvais œil cette histoire où Dieu le père (ou un de ses séides) a réitéré son exploit de fécondation à distance, et pas qu'une fois. Mais cela n'entache en rien la capacité du film à surprendre, que ce soit dans le soin apporté à la confection d'une telle atmosphère oppressante et originale, ou encore dans le culot immense, pour l'époque, de faire de ces jolies têtes blondes des monstres sanguinaires. Il faut reconnaître aux très jeunes acteurs (ainsi qu'à la direction d'acteurs) un talent incroyable pour faire naître cette hostilité glaçante, et ce dès la manipulation d'une boîte à énigme en bois par des gamins de 1 an tout juste.

Réalisation propre et sans effets de style excessifs (le coup des yeux qui scintillent n'est pas trop dommageable), d'une efficacité tranchante, servi par un rythme soutenu pendant 1h15 bien tendue. La prescience des événements n'aura pas affecté la dimension captivante du récit, et l'absence d'explication unilatérale est particulièrement bienvenue. Sans doute que pendant la Guerre froide, les explications étaient bien plus orientées selon la thématique de l'ennemi intérieur, mais le sujet se révèle bien plus fertile que cela. Le climat des années 50 se retrouve selon un prisme d'angoisses diffus, comme le cinéma de SF des années 50 et 60 l'a si bien capturé par ailleurs. On peut imaginer la peur liée aux débuts de la conquête spatiale, entre terreur et fascination pour l'inconnu, et cette lente montée en puissance (sans effets spectaculaires majeurs, encore une fois) se calque sur divers aspects, de la vision de l'enfant-roi jusqu'à des réminiscence de la théorie de la race aryenne, ou encore la tyrannie de la raison pure sur les sentiments — explicitement évoquée dans le film.

À ranger aux côtés de L’Invasion des profanateurs de sépultures (avec toutes ses déclinaisons et remakes) sans rougir, comme un film matriciel dans l’histoire de la science-fiction au cinéma, option angoisse sourde empreint d'une sobriété glaçante. Le mystère restera très bien entretenu jusqu'à la fin. On sent que le film aurait pu aller plus loin, notamment lorsqu'il aborde la question de la présence d'enfants similaires au Groenland, en Mongolie et en URSS — ces derniers barbares ayant carrément balancé une bombe sur le village. Même la scène semi-finale dans laquelle George Sanders résiste en se focalisant sur un mur de briques mental, qui se désagrège peu à peu sous l'effet télépathique dévastateur de ses élèves, fonctionne aujourd'hui. Un jalon important de la menace mortelle en provenance de l'enfance.

enfant.jpg, sept. 2020 oeil.jpg, sept. 2020