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Un soap-opera filmé par John Carpenter

Le titre du premier film de Kleber Mendonça Filho (le réalisateur brésilien d'Aquarius) est en définitive bien plus important et porteur de sens que ce qu'on pourrait penser de prime abord. Dans la description de la vie d'une communauté de ce quartier brésilien, le quotidien d'une certaine classe moyenne est perturbé par une série d'événements, et c'est notamment à travers la bande son que le trouble, le mystère, voire l'angoisse seront initiés. Des bruits dissonants, un chien qui aboie, une musique trop forte, des sons angoissants : que ce soit de manière intra ou extra-diégétique, une forme de peur souterraine envahit progressivement les alentours et l'environnement sonore apporte sa dose d'anxiété aux contours incertains. Suffisamment subtil pour qu'on puisse ne pas y prêter attention.

Il y a Bia, perturbée par les aboiements du chien des voisins, qui utile ses appareils électroménagers d'une drôle de façon ; il y a Joao, tombé amoureux d'une de ses conquêtes d'un soir ; Dinho et son attrait pour les autoradios (y compris ceux qui ne lui appartiennent pas) ; une femme de ménage qui fricote avec un gardien ; une querelle au sujet de la livraison d'une télé. Au milieu de ces querelles de voisinage en apparence anodines, avec l'arrivée d'une équipe de sécurité et de surveillance privée, une ambiance très singulière se met progressivement en place. Des mots du réalisateurs, c'est un peu comme un soap-opera filmé par John Carpenter. Avec "des bruits autour" (le titre en version originale).

On ne sait pas vraiment d'où provient cette tension subtile, mais le climat devient de plus en plus anxiogène. On nourrit une certaine paranoïa, le quartier croule petit à petit sous les détails suspects. Des rapports de force latents gangrènent les relations sociales, entre résidents et bonnes à tout faire, entre jeunes et adultes, entre propriétaires et locataires. Comme si l'atmosphère était faussement pacifique et risquait à tout moment d'exploser. Le drame se cache dans l'insignifiant un peu partout, comme si un potentiel de violence remplissait l'espace, entre fausses pistes et vraies menaces. Des passages ouvertement fantastiques rythment le récit, avec des cauchemars éveillés, des sonorisations incongrues. Au-delà du cloisonnement manifeste des familles du quartier, une menace à la fois tangible et floue pèse de tout son poids.

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