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Réveil dans la terreur

Il n'y a que dans le cinéma australien des années 70 que l'on peut espérer découvrir ce genre de pépite. Que ce soit avec Ted Kotcheff (Réveil dans la terreur, 1971), Nicolas Roeg (La Randonnée, 1971), Peter Weir (La Dernière Vague, 1977) ou encore George Miller (Mad Max, 1979), les jalons représentatifs de cette petite parcelle géographique et temporelle ne manquent pas. Et chacun apporte sa petite pierre à l'édifice d'un cinéma qui s'intéresse au moins autant à l'ambiance qu'à l'action à proprement parler, en tissant avec grand soin des atmosphères tour à tour angoissantes ou oppressantes, et toujours singulières et mystérieuses. Ce sont des univers (graphiques mais aussi sonores) qui laissent des marques indélébiles. Long Weekend vient compléter cette liste non-exhaustive et agréablement hétéroclite, en se focalisant sur un couple parti le temps d'un weekend sur la côte Sud de l'Australie, près de Phillip Island, alors que les deux amants se trouvent au cœur d'une crise dont les contours se dévoileront peu à peu. Un long, très long weekend, qui s'avèrera interminable pour les deux pauvres hères.

Long Weekend, en bon (voire très bon) film d'ambiance, joue extrêmement bien avec les atmosphères dans lesquelles on s'immerge. On se familiarise rapidement avec ce couple au bord du divorce, avant d'atterrir dans un petit coin de nature magnifique, près de l'océan, bordé de forêts à perte de vue. Au milieu de ce décor idyllique, les culpabilités réciproques s'enveniment, les disputes montent d'un ton et finissent par s'embraser. Bizarrement, la nature environnante ne semble pas apprécier la présence de ces deux-là, et les signes menaçants se font de plus en plus fréquents, à mesure que l'homme dégueulasse le paysage. Comme dirait mon alter nominum ego, "Ils vont polluer toutes les plages, / Et par leur unique présence, / Abîmer tous les paysages". Lui exprime sa virilité primaire avec son fusil, défonce les lamantins et effraie les oiseaux, pendant qu'elle s'enfonce dans une névrose en lien avec sa maternité. Entre les deux, la nature mettra les choses au clair.

À la lisière du fantastique et de la paranoïa, Colin Eggleston dépeint habilement le viol d'une contrée sauvage. Il faut dire qu'entre un kangourou écrasé, un œuf d'aigle explosé, un lamantin assassiné 15 fois, un mégot comme départ d'incendie, de l'insecticide balancé à foison, et des poubelles éparpillées en pagaille, il y a de quoi leur en vouloir. Mais l'oppression de la faune vue comme un acte de vengeance en réaction à l'agression de l'homme intervient dans un cadre invariablement naturel, comme si ce décor sauvage magnifique souillé par l'être humain se rebellait par simple réflexe, sans intervention surnaturelle, sans irruption du spectaculaire. L'angoisse monte lentement, chargeant l'atmosphère d'une menace lourde et latente, personnifiée à travers un aigle, un opossum, un serpent, ou un lamantin (confondu avec un requin : Jaws sortait 3 ans auparavant). L'habillage sonore alimente cette angoisse avec ces bruits secs, ces fourrés qui bruissent, et surtout ces lamentations très perturbantes. À chaque agression de la part de l'homme, c'est souvent par des sons que la nature répond, comme s'il s'agissait d'entités interconnectées. Tout cela concourt à transformer progressivement, de manière presque imperceptible, un coin de paradis en un endroit effrayant, siège d'un survival délicieux.

Peter: It's a Dugong. A Sea Cow. Apparently there used to be thousands of 'em all along the coast until they were killed off for oil.
Marcia: It's ugly.
Peter: Yeah. She's not very pretty out of the water, is she.

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