vendredi 09 septembre 2011

Quand les enfants tricotent avec nos nerfs...


Tout est dans le titre du billet...
Les Innocents par Jack Clayton (1961)
L'exorciste
par William Friedkin (1974)
Les révoltés de l'An 2000
par N. I. Serrador (1977)
Shining
par Stanley Kubrick (1980)
Le sixième sens
par M. Night Shyamalan (2000)
Les Autres
par Alejandro Amenábar (2001)
The ring
par Hideo Nakata (2001)
Dark Water
par Hideo Nakata (2002)
Joshua
par George Ratliff (2007)
Morse par Tomas Alfredson (2008)
Esther
par Jaume Collet-Serra (2008)
The Children
par Tom Shankland (2009)

(dans l'ordre chronologique)
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Le premier film de cette liste, les Innocents, est l’adaptation du conte fantastique connu sous le titre : Le Tour d’Ecrou. Henry James, l’auteur de ce grand classique qui date de 1898, nous fait partager les troubles d’une jeune gouvernante veillant sur deux enfants orphelins, doux, serviables, et étrangement secrets. La jeune femme soupçonne les deux enfants d'être sous le charme d’apparitions fantomatiques. Elle éprouve le besoin de se rapprocher d'eux, et du charmant garçon capable de feindre ses émotions, mais non de dissimuler l'atmosphère maléfique qui entoure lui et sa sœur. L'expression "Donner un tour d'écrou" (The Turn of the Screw) signifie « exercer une pression psychologique sur quelqu'un », et convient parfaitement pour illustrer l'angoisse que les enfants de ces 11 autres films parviennent parfois à produire sur nous.

Dans la préface d'un recueil de Orson Scott Card, ce dernier distingue «trois formes de la peur» qui donnent chacune un tour d'écrou supplémentaire :

... Des trois formes de la peur, l’angoisse est la première et la plus forte : c’est cette tension, cette attente qui naît quand on sait qu’il y a quelque chose à craindre mais qu’on n’a pas encore réussi à identifier l’objet de cette crainte;

C’est la peur qui naît quand on entend un bruit bizarre dans la chambre, ...

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quand on se rend compte qu’une porte qu’on est certain d’avoir vu fermée est à présent ouverte, ...

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quand on est témoin d’étranges sinistres dans son appartement…

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La terreur, elle, n’intervient qu’à l’instant où l’on voit ce dont on a peur. C’est l’instant où tous les muscles du corps se crispent et se tétanisent, ou bien où l’on se met à hurler, ou encore où l’on s’enfuit. Il y a de la folie dans cet instant, une force paroxystique – mais c’est une force de déchaînement, pas de tension, et, de ce point de vue, la terreur, si éprouvante soit-elle, est préférable à l’inquiétude : enfin, on connaît au moins l’apparence de ce que l’on craint. On en connaît les limites, les dimensions. On sait à quoi s’attendre.

L’horreur est la plus faible des trois. Après que l’événement redouté s’est produit, on en contemple les restes, les vestiges, le cadavre affreusement mutilé ; les émotions vont du dégoût à la compassion envers la victime, et même la pitié se teinte de révulsion et de répugnance ; on en vient à rejeter la scène et à nier toute l’humanité au corps qu’on nous montre ; par la répétition, l’horreur perd sa capacité à émouvoir, déshumanise jusqu’à un certain point la victime, et, par conséquent, le spectateur...

Je trouve la description bien vue, et on comprend que seul un savant dosage de ces trois formes de la peur (l'angoisse, la terreur, et l'horreur) causeront chez le spectateur : effrois et fascinations. Quant au thème de l'enfance, on est curieux de voir comment les raconteurs d'histoire, des adultes en somme, nous montrent le monde qu'ils ont perdu. Car même dans le cinéma fantastique, d'épouvante, ou d'horreur, on se sent parfois soudainement relié à quelque chose d’essentiel que tout le monde a vécu. Quand ces films ne sont pas juste divertissants.

jeudi 01 septembre 2011

Keep on walking


Chanson : Edwin Starr, 25 Miles (1968)

lundi 29 août 2011

Un petit boulot, de Iain Levison (2004)

Un petit boulot, par Iain Levison

Lorsqu’il est question de fermeture d’usine en France, je pense à la virulence des salariés qui se mettent à bloquer les activités de leurs entreprises (1), à séquestrer leurs dirigeants (2), à menacer de faire exploser leurs outils de production, ou à incendier leurs usines (3) pour contester un plan social ou une délocalisation qui se révèle injuste et abusive. Car pour une entreprise, être bénéficiaire ne compte plus, l’important n’est pas de gagner de l’argent :

La question est : est-ce que vous gagnez autant qu’il est humainement possible, et sinon, pourquoi.

Iain Levison ne doit pas beaucoup noircir le portait et la détresse de ces nouveaux chômeurs pour donner une vraisemblance à Jake, le héros de ce roman noir.

Jake est sans boulot suite à la fermeture de l’unique usine de la petite ville américaine où il a grandi. Jake est fauché, il a des dettes, sa copine l’a quitté, et il se trouve dans le plus simple et compréhensible désenchantement moral, parce que des petits malins de Wall Street ont décidé que leur usine ferait de plus gros bénéfices si elle se trouvait au Mexique.

Quand un bookmaker mafieux lui propose de jouer les tueurs à gages, Jake fait mine d’avoir des cas de conscience. Mais en réalité, il est ravi. Il va se montrer à la hauteur de son nouveau «petit boulot», plus que son employeur le soupçonne. Car Jake prépare en catimini sa liste des gens à abattre de quoi calmer sa colère contre le système. C’est un tueur amateur, mais un travailleur consciencieux et décidé qui nous fait partager ses états d’âme. Chacun de ses crimes sera l’occasion d’une idiotie, et le lieu d’une franche rigolade.

Iain Levison brosse le portrait d’un tueur sympathique. Une histoire décalée, parfois tordante et vraiment féroce. Voilà comment un livre sur le chômage, la précarité et l'exclusion des habitants d'une petite ville américaine me met de bonne humeur.


(1) le blocage généralisé des raffineries Total, en 2010
(2) les salariés de l’usine Molex à Villemur-sur-Tarn ont séquestré deux dirigeants pendant 26 heures, en 2009
(3) les salariés de JLG à Tonneins et de Nortel France ont menacé de détruire leurs outils, et d'incendier leur usine en faisant sauter des bouteilles de gaz, en 2009

jeudi 18 août 2011

La baleine scandaleuse, de John Trinian (1964)

La Baleine Scandaleuse, par John Trinian

L’histoire débute en pleine mer, et en l’unique compagnie d’une baleine. Séparée de son groupe, elle va peu à peu dériver vers la côte avant d’être surprise par une lame de fond. Malgré sa lutte pour regagner le large, elle échoue impuissante sur une plage…

Sur cette plage normalement déserte en Californie, des personnages vont tour à tour faire leur apparition : un tueur en cavale, un flic à cheval, un acteur suicidaire et drogué par les bons soins de sa tendre épouse, un conducteur d’un tracteur-dépanneur, une jeune femme accompagnée d’un « ami » dont elle voudrait bien se débarrasser, un photographe miteux au gilet de couleurs voyantes et aux deux modèles à moitié à poil…

La baleine et les badauds rassemblés autour d'elle semblaient avoir été disposés sur la plage en vue d'une photo destinée à mettre en relief les sentiments qui agitaient chaque personnage. On avait l'impression d'être en présence d'un tableau surréaliste.

Ces personnages dérisoires, emportés dans le courant de leur vie comme des bouteilles vides à la surface de l’eau, forment une étrange assemblée devant la baleine endormie et vulnérable. Et lorsque le flic pédant et oppressif veut prendre la situation en main, c’est le début des emmerdes. John Trinian a concocté un cocktail explosif de personnages, et on trépigne d’impatience de lire le sort réservé au cétacé dont on aimerait voir retrouver son milieu naturel. La baleine scandaleuse se révèle une excellente étude de caractère avec juste ce qu’il faut d’humour vachard sur le genre humain comme l’écrit justement Yossarian qui m’a donné envie de lire ce bouquin drôle et sinistre.

jeudi 11 août 2011

If we don't, remember me.

Les "cinémagraphes" sont des images où seuls quelques éléments de la représentation sont en mouvement. Le créateur du site, If we don't, remember me, s'est amusé à capturer des scènes de cinéma très chouettes, et en voici quelques unes...

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“We accept the reality of the world with which we are presented.”
The Truman Show (1998)


if we don't

“Well, you’re not exactly smiling.”
Repulsion (1965)


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“This is Ripley, last survivor of the Nostromo, signing off.”
Alien (1979)


Brigitte Bardot

"C’est formidable le cinéma. On voit des filles avec des robes. Le cinéma arrive et on voit leurs culs..."
Le mépris (1963)


Alien

“You still don’t understand what you’re dealing with, do you? … Perfect organism. Its structural perfection is matched only by its hostility.”
Alien (1979)


samedi 23 juillet 2011

La route, par Cormac McCarthy (2006)


La Route, par Cormac McCarthy

Peut être que dans la destruction du monde, il serait possible de voir comment il était fait. Les océans, les montagnes. L’accablant contre-spectacle des choses entrain de cesser d’être.

Comme toutes les autres créations culturelles, la littérature invente du possible. En imaginant l’après fin du monde, Cormac McCarthy la rend familière, ouverte, représentable, pensable, en d’autres termes habitable. McCarthy tire des plans sur le chaos avec un style puissant et poétique, des dialogues minimalistes, une action ciselée, des descriptions dépouillées de tous éléments superflus. Les très courts paragraphes se succèdent, et aussi longtemps que les évènements demeurent voilés, notre imagination suscite toutes sortes de peurs.

L'année à peine écoulée c'étaient des feux sur les crêtes et des psalmodies de gens dérangés. Les hurlements des gens mis à mort. En plein jour les morts empalés sur des pics au bord de la route. Qu'avaient-ils fait ? L'idée lui vint qu'il se pourrait même dans l'histoire du monde qu'il y eût plus de châtiments que de crimes mais il n'en tirait guère de réconfort.

Cet homme et son enfant nous apprennent que la lutte contre le chaos va sans affinité avec l’ennemi. Marchant vers le sud, la peur et la faim au ventre, ils espèrent trouver une mer encore bleue, et un espoir de réchapper à la mort. La singularité du point de vue, le génie narratif, la bonté des deux personnages placent ce livre très haut dans mes coups de cœur.

lundi 13 juin 2011

Colère du présent, de Jean-Bernard Pouy (2011)

Colère du Présent, par J-B. Pouy

C'est à Arras que chaque 1er mai, des écolos aux anarchistes, des pacifistes aux trotskistes… des poètes, des économistes fumeux, des militants antifascistes, des amoureux du bio, des passionnés de la décroissance, des antinucléaires, des écrivains maudits se regroupent lors du Salon du Livre d’expression populaire et de critique sociale.

Imaginez cette petite assemblée entrain de fomenter une révolution. Pouy la fait. Cette bande de révolutionnaire s'organise derrière des barricades de fortune bloquant tout un quartier au cœur d’Arras après avoir chouravé le matos de la première vague de CRS. C'est un face à face désopilant qui les oppose à l’Armée que le Ministre s’est dépêché d’appeler pour « négocier » le retour au calme.

Le suspens est distillé à bonne dose, on tourne les pages à vitesse grand V riant de bon cœur de la malice de ses personnages et nous inquiétant de la tournure finale de cette révolte. Vous sourirez bêtement pendant plusieurs jours en repensant à cette fiction contestataire, militante, utopique, caustique, comique qui renoue avec les vraies questions fondamentales aujourd'hui : la solidarité humaine, et le combat !

Vive l’utopie ! Et en route pour la joie..!

mardi 03 mai 2011

Choke, par Chuck Palahniuk (2001)

Choke, par Palahniuk
Cela commence ainsi :

Si vous avez l’intention de lire ceci, n’en faites rien, ne vous donnez pas cette peine. Au bout de quelques pages, vous n’aurez plus aucune envie de vous trouvez là où vous serez. Alors oubliez. Allez vous en, tant que vous êtes encore intact, en un seul morceau. Soyez votre propre sauveur. Il doit bien y avoir mieux à la télévision. Ou alors dans la mesure où vous disposez de tellement de temps libre, vous pourriez peut-être prendre des cours du soir. Devenir médecin. Vous pourriez faire quelque chose de votre vie. Vous offrir une sortie, aller au restaurant. Vous teindre les cheveux.Vous ne rajeunissez pas. Au départ, vous allez faire la gueule devant ce qui se passe ici. Ensuite, ça ne fait qu’empirer. Ce à quoi vous avez droit, ici, c’est à une histoire stupide à propos d’un petit garçon stupide. Une histoire vraie de la vraie vie concernant des individus que jamais vous ne voudriez rencontrer.

Le nihilisme de Palahniuk n'est pas décourageant, au contraire le pessimisme et le désenchantement moral de ses personnages s'avèrent plutôt amusants. Les idées et les trouvailles se ramassent à la pelle, et il est très difficile de relâcher ce bouquin qui a le gout des marges, et des personnages fêlés. Les descriptions sont osées, et c’est tant mieux qu'il s’agisse des obsessions de Victor, le héros sexoolique dont le travail dans un musée vivant, les anecdotes et les réflexions sont parfois à se tordre de rire.

Génial n'est pas le mot juste, mais c'est le premier mot qui vient à l'esprit.

samedi 19 mars 2011

Morse, de Thomas Alfredson (2008)

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Låt den rätte komma in (le très prononçable titre suédois) est l'adaptation d'un roman de John Ajvide Lindqvist. A mes yeux, ce film est un incontournable du cinéma fantastique. Terriblement beau, et inquiétant. Les paysages complètement glacés de la Suède des années 1980 servent d'écrin à ce petit conte macabre où les monstres sont plutôt à chercher du côté des humains.

Je reviens sur un passage de la préface du recueil de Salinger (présenté dans le post précédent) dans laquelle on peut lire une phrase mémorable* sur l'enfance, pas étrangère à cette histoire fantastique. Les ingrédients du fantastique exercent sur le spectateur une fascination difficile à définir, et donnent une représentation extrêmement sensible et angoissante à cette vision :

* Tout se passe comme si, pour la plupart des êtres, entre la fin de l’adolescence et le commencement de l’âge adulte, quelque chose était irrémédiablement perdu: une certaine qualité morale. Car l’enfance n’est pas le temps de la gentillesse, de la facilité, des sourires, mais bien plutôt celui de la rigueur, de l’intransigeance, de la non-compromission.


Lina Leandersson

vendredi 18 mars 2011

Un jour rêvé pour le poisson-banane

Nouvelles, par Salinger

Dans les 9 nouvelles qui composent ce recueil, J. D. Salinger fait une large place à l'oralité, et aux dialogues.  Ses personnages « sont toujours un peu à coté de ce qu'ils ressentent, un peu à coté de ce qu'ils croient dire, ou de ce qu'ils voudraient faire entendre. Ils cherchent leurs mots, ils bredouillent, ils se répètent. Et, c'est le décalage perpétuel, de ce perpétuel à peu près, que naît l'ambiguïté - et aussi le pathétique et la drôlerie » comme le décrit très bien J-L. Curtis, l'auteur de la préface.

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