palimpseste_stross_2011.jpg, juil. 2023

Le roman Le Bureau des atrocités (2004) - la première parution en France de Charles Stross - est resté pour moi une lecture marquante en science-fiction dans le bon sens du terme. Ce bureau convoquait l'imaginaire tentaculaire Lovecraftien ; on y suivait un informaticien œuvrant pour un service secret appelé la Laverie chargé d’enquêter sur des phénomènes occultes. Un récit qui transcendait déjà le temps, l’Histoire et l’espace. Si son roman Accelerando (2015) sur le thème de la Singularité [Singularité] m'attire, j'ai toujours ralenti le mouvement du fait de la grosseur du pavé et de son apparence ardue au sens hard-science.

Palimpseste (2011) fut finalement un compromis. Avouez que le résumé stimule l’imagination d’autant plus lorsque celui-ci est rapporté par un autre auteur de SF Xavier Mauméjean d’en France : Issu du XXIème siècle, Pierce a été recruté par la Stase, un système capable de perpétuer la vie humaine sur une durée mille fois supérieure à la durée de vie de notre soleil. Dans ce but, l'organisation privilégie deux modes d'action. En amont, elle utilise des portes ouvrant sur des tunnels reliant deux accès dans un espace-temps quadridimensionnel, cela afin de préserver au sein du Réensemencement des spécimens d'humanité capables de survivre à l'anéantissement de leur civilisation. Les élus sont réimplantés dans une époque neutre en vue d'un nouveau début. En aval, elle double cette gestion démographique par un reformatage continuel du système solaire. Cette restructuration nécessaire permet un prolongement maximal de l'habitabilité du monde. La Terre est ainsi sauvée des milliers de fois, au prix toutefois de la destruction d'autant de biosphères. [...]

Longtemps ce court roman est resté en stase sur une étagère avec un marque-page bien fiché au milieu. Il faut dire que le récit de cet agent effaré par l’immensité de la tâche donne parfois à douter de la cause, du chemin et du but. La vaste arène cosmique, l'échelle temporelle embrassée (plusieurs milliards d'années), les audacieuses descriptions de l’univers donnent toutefois à réfléchir. On peut ne jamais y rentrer car l’idée ébouriffante laisse peu de place à la psychologie des personnages sans parler de la chronologie malmenée. Forcément l’étendue gigantesque de l’histoire entache parfois la clarté du récit, un palimpseste [palimpseste] intrinsèque au récit lui-même. Quant au thème de la guerre temporelle (Le grand jeu du temps de Leiber, La patrouille du temps d'Anderson, Le Déchronologue de Beauverger, etc.), Stross y ajoute une nouvelle déclinaison bien à part. Mention très bien en prospective astrophysique.

Notes

La « singularité technologique » décrit un seuil à partir duquel l’évolution des capacités des machines dépasserait celle des humains à les contrôler et même les comprendre, créant une rupture fondamentale dans l’évolution au-delà de laquelle il n’est plus possible de prévoir : une singularité.

Xavier Mauméjean

« terme qui désignait jadis un parchemin dont le texte était gratté afin d'être réutilisé, et signifie pour la Stase une période de l'Histoire plusieurs fois réécrite. »