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Cosmopolitisme des tournages hollywoodiens

Crépuscule de gloire (titre original : The Last Command) est un film américain réalisé par un Austro-Hongrois immigré sur la révolution russe, mise en abyme à travers un tournage hollywoodien. Un brassage international qui n'est pas sans effet sur le résultat final, d'autant que les allées et venues entre Russie et États-Unis sont au cœur des mécanismes narratifs. La trajectoire d'un ancien général russe, de son épopée tsariste à son rôle de figurant à Hollywood dans une production dirigée par un ancien révolutionnaire, ne sera dévoilée que de manière évasive, le tableau s'esquissant très progressivement, en tours et détours allusifs.

Le film s'articule en trois temps : une introduction volontairement parcellaire, qui ne nous permet pas de saisir les enjeux autour du personnage interprété par Emil Jannings, puis un très long flashback 10 ans en arrière dont la fonction est de contextualiser sa situation présente, et enfin un retour au présent en guise de conclusion et de climax dramatique, avec toutes les informations nécessaires acquises. Par chance, la dernière partie est particulièrement réussie dans son crescendo émotionnel, dans son renversement de perspectives, et dans sa réévaluation de la même situation, mais avec un bagage différent. Mais il aura fallu en passer par un assez long épisode au cœur de la révolution russe de 1917 qui conduisit au renversement du régime tsariste.

La longueur provient sans doute chez moi de l'interprétation de Jannings, qui ne me convainc pas totalement (mais un peu plus que l'unilatéralité de son jeu du côté de Murnau, dans Le Dernier des hommes) indépendamment de l'anecdote — il fut le premier lauréat de l'Oscar du meilleur acteur. Il y a quelque chose qui me dérange dans son air très affecté, dans son surjeu du tremblement de la tête à la limite de Parkinson : même en intégrant les contraintes relatives au cinéma muet, je n'arrive pas à y croire et voir autre chose qu'un acteur jouant son personnage.

Le flashback est pourtant bien amené, à travers cette photo énigmatique choisie par un réalisateur souhaitant retracer un épisode de la révolution russe à Hollywood. La façon de filmer ce vieil acteur au milieu d'une foule dense, alors qu'il récupère son costume et autres accessoires dans la première partie, est géniale. La romance qui s'installera dans la seconde partie, par contre, peine à passionner, au contraire de certains coups d'éclat comme le coup de fouet en réponse au fameux "it doesn't require courage to send others to battle and death". Autant ne garder en mémoire que le final déchirant, même si la réconciliation posthume paraît un peu forcée, dans un magnifique travelling arrière (léger, mais brillant) lourd de sens.

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