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La vérité nue, ou la vertu en surimpression

Le montage parallèle qui sous-tend Hypocrites met en correspondance deux figures religieuses de deux époques très différentes : un pasteur contemporain du film, prêchant un sermon sur l'hypocrisie à une audience assez peu concernée, et un moine nommé Gabriel, probablement à l'époque médiévale, qui finira assassiné par une foule en délire suite au dévoilement d'une statue qu'il avait construite, représentant la vérité nue (aux sens propre et figuré). Les deux histoires se veulent illustratives de l'hypocrisie omniprésente, deux petits contes moraux dans la même veine que Where Are My Children? (lire le billet) : Lois Weber, outre la maîtrise et la modernité phénoménales de ses œuvres sur le plan technique, était vraisemblablement très attachée à ces messages d'ordre moral prônant la probité et la vertu.

La particularité technique du film est ici concentrée dans la présence continue d'une personnification de cette vérité, sous les traits d'un personnage féminin entièrement nu, dont les apparitions sont semblables à celles d'un fantôme. Lois Weber use du procédé de surimpression de manière récurrente, mais à aucun moment cela ne se fait insistant : la poésie qui s'en dégage est, par contre, d'une constante vigueur. La critique du culte des apparences, au détriment de la croyance véritable et sincère, est par contre moins percutante vue d'aujourd'hui, dans son discours sur les affres de l'argent, du pouvoir, et du sexe.

Cette métaphore de la vérité nue guide le personnage principal à travers les époques, en lui ouvrant les yeux sur l'hypocrisie omniprésente de ses semblables, que ce soit du côté de la vie civile ou de la vie religieuse. Elle lui tend un miroir qui lui renvoie une image assez peu flatteuse des institutions religieuses et politiques, ainsi que de la société en général. Devant la figure presque transcendante de la vérité, la foule d'hypocrites ne peut résister : c'est ce qu'illustre admirablement bien, d'un point de vue technique, la scène (filmée en un long travelling parcourant les personnages successifs) où la statue que le moine s'est efforcé de construire est dévoilée, suscitant l'horreur et la consternation devant un tel symbole de nudité. La furie de la vindicte populaire, comme réflexe instinctif, est sans appel, définitive, irrémédiable.

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