sorcellerie_a_travers_les_ages.jpg, mar. 2020
Démons lubriques et décoctions de doigts de voleur

La Sorcellerie à travers les âges, aujourd'hui, au-delà du voyage à travers le temps et les pratiques relevant de la sorcellerie (ou supposées comme telle) raconté à l’origine par le réalisateur danois Benjamin Christensen, est un voyage qui revêt une toute autre dimension graphique. Une plongée intense dans une esthétique gothique et satanique, influencée par les années 20 germaniques, depuis la Perse antique jusqu’à l’époque contemporaine du film en passant par le Moyen Âge. En l’espace de 7 chapitres, on parcourt aussi bien le folklore des sabbats que les méthodes employées par l’Inquisition pour s’adonner à la chasse aux sorcières — dans une acception qui n’aura jamais été aussi littérale — au creux d’un style graphique terriblement envoûtant.

On peut d’emblée évacuer les petites rugosités accumulées avec le temps (un siècle quand même) qui rendent certaines dispositions tour à tour ridicules ou démesurément emphatiques : ce ton professoral, censé insuffler au film une composante documentaire, avec l’instituteur pédagogue qui montre le détail intéressant sur une illustration du bout de son crayon, ou encore cette ultime partie un brin poussive sur la réactualisation des superstitions à travers le traitement des pathologies mentales chez la femme (l’insensibilité dans une région du dos serait un symptôme de l’hystérie), constituent autant de bizarreries. Une ambition didactique qui écrase le film sous le poids de sa démonstration, mais allégée ailleurs par l’incroyable travail de composition (les silhouettes inquiétantes, les visages ridés, les démons lubriques, les décors en clair-obscur) rappelant le travail pictural de Pieter Brueghel ou Jérôme Bosch.

Car ce qui marque très fortement (la rétine, entre autres), ce sont ces sabbats de sorcières, ces mixtures concoctées à partir de crapauds, de doigts de voleurs ou de corps de nouveau-nés, ces foules entières converties au satanisme en embrassant la croupe du diable, ces envoûtements donnant lieu à des scènes incroyablement érotiques, ces reconstitutions de moments de torture d’une grande diversité. Toute l’artillerie technique disponible à l’époque est mobilisée, avec des surimpressions, des séquences en stop motion, des maquillages variés, des gros plans sur les visages burinés de vieilles femmes, pour alimenter une atmosphère horrifique (en prenant le parti des sorcières de toutes les époques) à la lisière du surréalisme, sous l’impulsion sans cesse renouvelée de la perspective documentaire. Ces éclats de violence, d’angoisse et de nudité, avec la lubricité des bacchanales et l’effroi des arrière-cuisines où sont préparés divers onguents, feront clairement date.

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