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"Don't cry, white boy. You're gonna live."

De la part de Mankiewicz qui en est déjà à son huitième long-métrage en 1950, on était en droit d'attendre un peu plus de finesse en termes d'écriture, et plus particulièrement dans celle des personnages au sein d'une histoire cristallisant plusieurs thématiques ayant trait au racisme dans les États-Unis d'après-guerre. La porte s'ouvre (drôle de traduction, presque en opposition avec le titre original "No Way Out" qui implique une absence de porte de sortie...) prend d'ailleurs presque l'aspect d'un conte, avec tout ce que cela peut compter de stéréotypes et de manichéisme, sans pour autant produire les arguments qui légitimeraient une telle approche. En l'état, un constat s'impose assez rapidement : ce n'est pas vraiment un modèle de subtilité.

Mais sans doute que ce constat ne s'appliquait pas aussi facilement en 1950 qu'aujourd'hui : c'est le premier rôle du jeune Sidney Poitier alors âgé de 23 ans, c'est l'un des premiers films (sinon le premier, même si ce genre d'assertion est très souvent contestable) mettant en scène un personnage noir dans un rôle "normal" (ie. qu'un blanc aurait pu occuper, en omettant les contraintes évidentes qu'une telle disposition peut laisser suggérer dans les sociétés d'alors), qui plus est dans la peau d'un docteur fraîchement diplômé exerçant à l'hôpital. On peut regretter, avec le recul des 70 années dont on peut difficilement se départir, que le racisme soit aussi grossièrement symbolisé, concentré et entièrement personnifié par Richard Widmark, très convaincant au demeurant dans la haine qui se dégage de son rôle de connard raciste de service, mais qui finit par lasser dans ses attaques incessantes envers le personnage de Poitier et sa couleur de peau. Le message contre la haine raciale qui en ressort, très explicite, paraît un peu lourd et poussif vu d'aujourd'hui (une remarque dont ne sont pas exempts tous les films contemporains sur le sujet, bien évidemment).

Le personnage du docteur interprété par Sidney Poitier ne brille pas non plus par sa profondeur ou son ambivalence : aucune ambiguïté à l'horizon, on est face à un monolithe de vertu, en proie au doute, certes, lorsqu'une potentielle erreur médicale est relevée, mais réagissant de la plus raisonnable et réfléchie des manières en toutes circonstances. Il discerne les signes avant-coureurs d'une tumeur cérébrale alors qu'on lui amène dans l'urgence deux malfrats blessés au cours d'un braquage, il reste globalement insensible ou disons serein face aux attaques racistes répétées, il n'hésite pas à se rendre à la police pour s'accuser d'un meurtre qu'il n'a pas commis (ou qu'il ne pense pas avoir commis) et ainsi faire avancer l'enquête plus efficacement, et il ne tergiverse pas au moment de porter assistance à la personne qui a pourtant tenté de le tuer la minute précédente, symbole d'une fidélité absolue (pour ne pas dire surhumaine) au serment d’Hippocrate. Le film pousse le vice jusqu'à lui faire utiliser l'arme qui l'a blessé pour faire un garrot qui sauvera la vie de son propre agresseur, et terminer sur un "don't cry, white boy, you're gonna live" percutant.

Si le film ne portait pas la mention de son réalisateur, on pourrait être tenté de le qualifier de film d'exploitation haut de gamme, empêtré dans ses bons sentiments (qui ne devaient, encore une fois, pas être aussi évidents en 1950 et au contraire dénoter un certain courage) et dans des dialogues un peu trop explicatifs. De la relativité des jugements... On n'est toutefois pas dans le registre de la caricature permanente, mais simplement dans celui de la charge virulente, quelque peu aveuglée. Et on peut tempérer ce jugement en gardant à l'esprit la séquence du film (beaucoup moins manichéenne) dans laquelle une partie de la communauté noire, partageant avec son équivalent du côté blanc la dureté de la vie dans les quartiers pauvres, prend les devants et se lance dans un règlement de compte à grande échelle, dans un registre voisin de la guerre des gangs.

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