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"Tweedledee: Twenty inches! Twenty years! Twenty pounds! The Twentieth Century Curiosity!"

La lecture de The Unholy Three comme un avant-goût, une annonce 7 ans avant le célèbre Freaks à venir, est bien tentante, et ce au-delà de la seule présence commune d'acteurs aussi marquants que Harry Earles, atteint de nanisme. Ne serait-ce que d'un point de vue purement narratif, avec l'introduction plantant le contexte forain avec des artistes tous plus bizarres les uns que les autres. Tod Browning n'a pas poussé ici l'exercice aussi loin que dans son classique terrifiant, mais on est en 1925 et la proposition est déjà d'une incroyable anormalité dans le paysage cinématographique contemporain.

Quand on y pense : une association de malfaiteurs à la lisière du loufoque, composée d'un nain prénommé Tweedledee ("Tweedledee! Twenty inches! Twenty years! Twenty pounds! The Twentieth Century Curiosity!"), d'un ventriloque et d'un colosse, projette un méfait hallucinant, en trois temps, visant 1) à vendre à des gens fortunés des perroquets via une animalerie, après avoir simulé la parole de l'animal grâce aux talents de ventriloquie du protagoniste, 2) d'attendre que le client se plaigne (forcément, l'oiseau n'a jamais vraiment parlé) pour en profiter et aller repérer les lieux avec le nain déguisé en bébé, pour enfin 3) aller cambrioler la riche demeure en question. On n'en voit pas souvent, des plans comme ça. Qui plus est au milieu des années 1920.

Le nœud dramatique se formera lors du passage à l'acte de la troisième partie du plan, lorsque le ventriloque Echo (interprété par le grand Lon Chaney) apprendra que ses deux comparses ont commis un meurtre lors du cambriolage. Ce n'est pas dans cette partie-là du film, avec le sous-texte mélodramatique centré sur un triangle amoureux qui ne parvient jamais à prendre de véritable ampleur, qu'il réussit à se faire le plus pertinent. Dans le même esprit, la séquence du procès presque entièrement tournée en plans rapprochés peine à lui donner de l'ampleur et à découper l'espace de manière intelligible. Le thème de la ventriloquie dans le contexte du cinéma muet est un peu périlleux, aussi.

En revanche, de nombreuses dispositions viennent compenser cela, à commencer par le personnage de bébé teigneux interprété par Earles, avec notamment cette séquence où il se déguise en bambin au pied d'un sapin de Noël pour tromper un policier, avec casque de pompier sur la tête, jouet dans les mains, simulation de pleurs... tout en oubliant qu'il avait un gros cigare au bec, enlevé in extremis. Le mélange d'horreur et d'humour, selon l'expression du film "That's all there is to life, friends - a little laughter... a little tear...", est une belle singularité. Ajoutons à cela un chimpanzé géant tueur, et on a là une bonne idée du potentiel du Club des trois.

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