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Pantomime

Dans la droite lignée de Funérailles d'État au sujet de la mort de Staline en 1953, Sergeï Loznitsa s'est basé sur des centaines d'heures d'archives pour monter Le Procès, un documentaire retraçant par le témoignage (de l'image et du son) documentaire l'histoire du grand procès-spectacle organisé en 1930 à Moscou. Longtemps avant l'épisode de la Grande Terreur de 1937-1938 durant lequel Staline fit exécuter ou envoyer en camps des millions de citoyens soviétiques, ce que l'on peut observer dans ce film s'apparente à une sorte de présage des horreurs à venir.

Très peu de contextualisation, zéro commentaire, on reconnaît ici le procédé de Loznitsa visant l'immersion maximale dans cette mascarade de procès qui vit un groupe d'économistes et d'ingénieurs accusés de fomenter un coup d'état. Il peut manquer des éléments pour mieux caractériser le décor (sur la passivité et l'obéissance des prévenus, sur les mouvements de foule à l'extérieur), mais le résultat est impressionnant, une plongée dans cette immense salle bondée où les suspects furent interrogés pendant des jours et des jours, entourés de soldats et de juges. L'ambiance est glaciale. Et incroyablement rendue près d'un siècle plus tard, c'est ce qui est fascinant.

Si Le Procès ne parvient toutefois pas à atteindre le niveau de fascination de Funérailles d'État, c'est essentiellement à cause de la dimension très répétitive (quoique volontaire) de certaines séquences, où l'on voit défiler les accusés répéter les mêmes réponses aux mêmes questions du procureur général. Le processus est quelque peu éreintant. Bien sûr, la nature des accusations portant sur des activités contre-révolutionnaires au sein d'un "parti industriel" était entièrement infondée : tout n'est que fiction, tissée par le pouvoir pour convaincre le peuple du danger représenté par des puissances étrangères.

En voyant ces hommes défiler pour avouer leurs crimes et se répandre en remords et autres promesses de rachat dans le but d'échapper à la peine de mort, l'ampleur de cette mascarade teintée de mensonge devient insoutenable. La durée est excessive, le contenu est indigeste, la méthode est lourde, mais la puissance de ces images d'archive est glaçante. La répétition grandiloquente des faits d'accusation confine indirectement à la mise en scène de théâtre : aussi grotesque qu'hypnotique.

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