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Des réminiscences d'un relation passée à la flamboyance d'un amour ravivé

Le précédent film d'Ermanno Olmi, L'Emploi, ne le laissait pas présager car il utilisait le mutisme de son protagoniste à des fins humoristiques, en dépeignant un monde du travail complètement absurde au milieu duquel déambulait un jeune candide. Mais ce qui frappe dans Les Fiancés, c'est ce minimalisme absolu, tant dans le scénario que dans la mise en scène, et son incroyable pouvoir de suggestion. Rien ne passe par les canaux d'expression habituels, rien n'est exprimé de manière directe ou classique pendant les trois quarts du film. Il faudra attendre la toute fin pour goûter à une conclusion d'une puissance difficilement prévisible.

Tout le film est basé sur une narration étrange, ni linéaire, ni réaliste, ni chaotique, ni onirique. Olmi manipule tous ces ingrédients avec un soin tout particulier apporté à la subtilité de leurs effets. C'est la raison pour laquelle on ne comprend pas tout de suite l'objet de cette fête servie en guise d'introduction, avec un couple étonnamment distant, a priori plongé dans une incompréhension mutuelle. Quelques fragments de ce qui s'apparente à un passé proche surgit de manière épisodique, sous la forme de flashbacks portés par quelques brèves images, permettant de dresser les contours de la situation. L'homme est ouvrier dans le Nord de l'Italie, et pour une raison laissée floue, il a choisi d'abandonner sa femme et son père afin d'aller travailler au Sud pour une durée indéterminée, en Sicile. On ne voit pas d'autres raisons : un joli pécule et une qualification supérieure.

Sa découverte de l'Italie du Sud est captée dans une atmosphère très étonnante, mêlant confusion, incompréhension, léthargie et autres incertitudes. Une poésie triste s'installe, entre réalisme et impressionnisme. Il ne semble pas éprouver de grands regrets à l'égard de sa vie passée mais manifestement, quelque chose le ronge de l'intérieur. L'aridité de ce long moment est frappante, un passage tout en intériorisation et en retranchement, dans une absence quasi totale de dialogue et de musique. L'état d'esprit du personnage est dépeint très sporadiquement, avec quelques images mentales, l'enfermant toujours un peu plus dans une forme de tristesse, une bulle de mélancolie qui éclatera bien plus tard dans le film. Dans cette longue partie centrale, le déracinement est retranscrit sur un ton banal, désarçonnant. Et soudain, à la faveur d'une lettre de sa fiancée, le récit s'embrase. Le couple se reforme spontanément, à distance, renforcé par leur séparation. On passe des réminiscences d'un relation passée à la flamboyance d'un amour ravivé, au cœur d'un lyrisme épistolaire bouleversant.

Il m'a cueilli en seulement deux films, Olmi. Cette subtilité dans la pratique du minimalisme, soit comique soit dramatique, un pied dans le réalisme et l'autre dans l'impressionnisme... J'en redemande.

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