marque_par_la_haine.jpg, janv. 2021
"Look, don't worry 'bout a thing."

Sans être ni mon film de boxe préféré ni mon film de Robert Wise préféré (les deux coïncidant avec Nous avons gagné ce soir, aka "The Set-Up", d'une efficacité redoutable, réalisé 7 ans auparavant dans le cadre moins ambitieux et beaucoup plus modeste de la série B), cette incursion biographique du côté de la vie de Rocco Barbella offre un regard différent, complémentaire et d'un intérêt égal à mes yeux, de celui que proposera Stallone 20 ans plus tard dans son premier Rocky. J'ignorais tout du contenu de Marqué par la haine — le titre original est tout de même bien plus approprié, tant le titre français se focalise bizarrement sur un court arc narratif lié au père — jusqu'à sa connexité avec le plus célèbre des films de boxe aujourd'hui, mais le parallèle se construit de lui-même : contextualisation à travers la peinture d'un décor social autour d'une petite tête brûlée, canalisation de cette rage dans des gants de boxe, et bien sûr une homonymie frontalement évocatrice — Rocco Barbella aka Rocky Graziano aka Rocky Balboa.

Pour incarner le (futur) champion du monde des poids moyens de 1947, Robert Wise avait en première intention songé à James Dean, qui eut la mauvaise idée de mourir en 1955. A posteriori, on se demande bien comment l'acteur, en dépit de ses qualités avérées, aurait pu faire pour donner corps à un tel boxeur, et l'interprétation de Paul Newman de ce côté-là est une chance, si l'on peut dire. On est clairement au début de sa renommée, on le sent terriblement empêtré dans sa technique Actors Studio (la tentative sur l'accent italien y étant pour beaucoup), loin de ce qu'il démontrera dans des films comme Cool Hand Luke (1967, Stuart Rosenberg), Le plus sauvage d'entre tous (1963, Martin Ritt) voire même un peu plus tard Le Verdict (1982) chez Lumet. On peut aussi noter la présence furtive de Steve McQueen, alors total inconnu (il retrouvera Newman 18 ans plus tard dans La Tour infernale), qui imprime déjà quelque chose de fort malgré le caractère très limité de son personnage et de son influence ici.

Ce biopic insiste pas mal sur la vie tumultueuse du boxeur, sur ses séjours répétés en maison de correction, sur son passage dans l'armée américaine (dont il désertera), et sur sa vie sentimentale qui se nouera dans une incompatibilité avec la boxe — boxe qui l'a pourtant sorti de la rue et de ses magouilles. Toute la première partie est consacrée au social, à ses mauvaises fréquentations à New York, avec un petit côté lourdingue par moments, qui insiste beaucoup sur le déterminisme social. Tout cela concourt à construire une trajectoire dont l'apogée se situe à la fin dans le combat contre Tony Zale, qui fut une boucherie légendaire (les deux étant en sang à la fin du dernier round).

newman.jpg, janv. 2021