Je m'attarde

Profils Paysans est un film documentaire au très long cours, filmé en trois épisodes qui s'étalent sur presque dix ans, dépeignant le quotidien du monde paysan. À la lumière de leurs préoccupations matérielles, humaines, existentielles et même amoureuses, Raymond Depardon (accompagné de sa femme, Claudine Nougaret, à la prise de son) dresse le portrait de ces ruraux de Lozère, de Haute-Saône, d’Ardèche et de Haute-Loire qui semblent figés dans un décor séculaire.

L'Approche, premier volet et introduction touchante à un monde souvent mal connu, magnifie sobrement l'art du temps et de la patience. Fort d'une confiance établie au cours des quatre années précédentes, Le Quotidien aborde des aspects plus problématiques comme la pénibilité à laquelle doivent faire face les agriculteurs, mais aussi les problèmes liés à la pérennisation de leur travail et de leur patrimoine, alors que les exploitations familiales se métamorphosent peu à peu en résidences secondaires. La Vie Moderne, enfin, pose le cadre d'un univers en proie à un avenir incertain, en exaltant nos racines communes et en envisageant sereinement (mais non sans un soupçon de fatalisme) le devenir des gens de la terre. Difficile de ne pas voir chez Depardon cette volonté de filmer le monde de ses parents, empreint d'un certain sentiment de culpabilité, comme il l'avouait lui-même en 1984 dans Les Années Déclic.

Ces hommes et ces femmes, qui « ressemblent à des gens d'un autre âge », sont les derniers témoins d'une civilisation en sursis. Mais attention, pas question de verser dans le misérabilisme : Depardon laisse le temps faire son œuvre, dégageant des vérités immuables du cours banal des conversations, à mesure que l'on se familiarise avec des personnages plus vrais que nature (1). De ces existences qui tournent au ralenti surgissent des éclats de vie éblouissants ; grâce à leurs récits terriblement humains, « on se sent plus près des choses essentielles de la vie. » Tout simplement.