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Leto: Origins

Assa pourrait presque être renommé "Leto: Origins", à la lumière du film plus récent de Kirill Serebrennikov qui explorait le contexte dans lequel était né le groupe de post-punk et new wave soviétique Kino, dans les moments qui ont précédé la perestroïka. Une relation de filiation doublement marquée par l'apparition ici chez Sergueï Soloviov du chanteur Viktor Tsoi en personne, rock star soviétique morte accidentellement quelques années plus tard, interprétant à la toute fin la chanson Khochu peremen! (I Want Change!, petit lien pour les personnes les plus curieuses) devenue un symbole de la fin de l'URSS au crépuscule des années 1980. De manière plus générale, le film dissémine de nombreux extraits de morceaux de l'époque (regroupés sous l'appellation maladroite de rock russe chez nous) au travers de petits encarts-concerts ayant trait à un des personnages composant le triangle amoureux central.

Car à la base, Assa, c'est avant tout ça, une infirmière Alika qui débarque à Yalta avec son amant mafieux Krymov, beaucoup plus âgé, et elle tombe sous le charme du jeune Bananan, gardien de jour et musicien punk la nuit. Soloviov met en scène ces relations croisées compliquées d'une manière particulièrement tumultueuse, d'où s'échappe une atmosphère chaotique qui n'est pas totalement étrangère à l'ambiance de la période historique contemporaine — le film sort en 1987. Ce n'est pas nécessairement un film romantique facile ou agréable à regarder, beaucoup de références culturelles échappent sans aucun doute à un œil non-russe voire non-soviétique, des tonalités grotesques rythmes très régulièrement les péripéties (le bordel général de l'arrière-plan comme les péripéties principales, à commencer par la jalousie de Krymov et tout ce qu'elle suscite), et pour ne pas alléger l'ensemble, un vague arc narratif parallèle ayant un lien extrêmement ténu avec l'intrigue de premier plan narre l'assassinat du tsar Paul Ier au tout début du XIXe siècle.

L'ensemble baigne dans le climat hivernal de cette année 1980, tandis qu’Alika se familiarise avec la contre-culture underground soviétique auprès de Bananan. Soloviov agrémente la narration de séquences légèrement expérimentales et régulièrement espacées qui assurent le statut de film culte en Russie. S'il paraît difficile de mesurer l'étendue de l'impact d'une telle production cinématographique, Assa conserve sans conteste un intérêt en tant que témoignage de l'énergie un peu désespérée de l'époque, perdue quelque part entre frustration et stagnation des derniers jours de l'Union soviétique.

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