bandits_a_orgoloso.jpg, nov. 2023
Western des bergers sardes

Au terme d'une décennie passée à réaliser des courts-métrages documentaires décrivant les aspects très diversifiés de corps sociaux italiens variés (parmi lesquels on peut citer les plus célèbres Isole di fuoco sur des éruptions volcanique en Sicile, Le Temps de l'espadon sur la pêche à la lance, Surfarara sur des mines de souffre ou encore Parabola d'oro sur des paysans siciliens), il n'est pas totalement étonnant de retrouver Vittorio De Seta, au détour de son premier long métrage, dans une fiction très largement perméable aux composantes documentaires. Et rurales, plus particulièrement, au travers de ces décors rocailleux des montagnes de Sardaigne magnifiquement capturées dans "Banditi a Orgosolo".

C'est ce qui frappe d'entrée de jeu : la profondeur des contrastes de l'image de Vittorio De Seta (lui-même directeur de la photographie et scénariste en plus de son poste de réalisateur), qui confère à la nature sarde une dimension incroyablement photogénique, avec dans les hauteurs les espaces partagés entre l'élevage et la chasse. Michele, avec son très jeune frère Peppeddu, s'occupe de son troupeau de moutons dans ce cadre magique, entre conditions extrêmes et vie recluse. L'arrivée de trois étrangers qui ont volé des cochons et recherchés à ce titre par les carabiniers, provoquant la mort de l'un de ces derniers, dégénèrera en quiproquo puisque Michele se retrouvera accusé à tort de tous ces méfaits. N'ayant aucune confiance en sa capacité à démontrer son innocence mais surtout par peur de perdre son bétail (son unique capital garantissant sa subsistance voire même sa survie) durant l'instruction et un probable séjour en prison, il choisit l'option de la fuite dans les montagnes.

Avec sa veine puissamment néoréaliste qui s'attache à décrire des hommes luttant contre la nature (le dénivelé en montagne, le stress hydrique qui affecte autant les hommes que les bêtes, la faim qui ne tarde pas à gronder aussi), Bandits à Orgosolo ressemble à une hybridation entre une tradition documentaire héritée de Flaherty (les montagnes ici sont l'élément contre lequel on bataille au même titre que la mer enragée dans L'Homme d'Aran) et l'acharnement du sort contre une communauté au bord de la misère — il suffit de remplacer les pêcheurs de La terre tremble chez Visconti par des éleveurs. Les sentiments sont très variés ici, entre la défiance contre les représentants de l'autorité et le refus de se rendre et d'abandonner son troupeau, symbole de toute une vie, et ils sont parfaitement embrassés par les véritables bergers qui tiennent les rôles principaux dans ce western des montagnes. Le seul passage au cours duquel les protagonistes descendent de ces hauteurs, pour rejoindre leur famille dans un moment intime intense, rompt avec l'âpreté de la fuite et constitue un de ces moments incroyables, comme en apesanteur.

img1.jpg, nov. 2023 img2.jpg, nov. 2023 img3.jpg, nov. 2023 img4.jpg, nov. 2023 img5.jpg, nov. 2023 img6.jpg, nov. 2023 img7.jpg, nov. 2023