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Une autre licence du Pré-Code

Un intéressant fragment du cinéma hollywoodien du Pré-Code (la période de 1930 à 1934 avant la création du Code Hays, un code de censure américain), dans lequel la licence ne porte pas sur les mœurs ou sur une certaine liberté de discours autour de la chose sexuelle : Black Moon investit le terrain du film d'horreur dans un registre étrange, original et étonnant.

Le centre de l'histoire se trouve sur l'île de Saint-Christophe, à mi-chemin entre la Guadeloupe et Porto Rico. Il pourrait s'agir d'une série B horrifique tant le scénario ne semble pas préoccupé par la fluidité de l'intrigue et autres détails importants : la toile de fond est posée très vite, le voyage de la famille américaine vers l'île s'organise prestement, et les personnages secondaires gravitent autour des deux ou trois protagonistes dans leurs fonctions programmatiques un peu gênantes. Mais il y a un élément qui rehausse l'ensemble : la transcription d'un culte vaudou.

Autant le dire tout de suite : on est dans les années 30 et la question du racisme ne se pose pas dans les mêmes termes qu'aujourd'hui. Il existe dans Black Moon une certaine décontraction dans la description du peuple haïtien, pétrie de suffisance colonialiste. Mis à part un personnage secondaire noir présenté (de manière caricaturale) comme plus noble que ses semblables, le film développe une imagerie raciste assez classique (clair, latent mais jamais virulent) et, ironie de la chose, elle se trouve sans doute renforcée par cette tentative d'édulcoration vaine et ratée.

Mais paradoxalement, cette considération assez peu progressiste confère au film une aura très particulière, car il considère le sujet du vaudou avec un sérieux évident et s'efforce de retranscrire une ambiance extrêmement sombre, effrayante, oppressante. Ce climat anxiogène inonde toute la seconde moitié du film, à l'instar de la musique issue des tambours qui irradie l'espace de manière presque exhaustive à travers le film. Il y a une réelle fascination pour ce qui ressemble de plus en plus à un mythe noir, et les plans serrés autour des tambours et des visages menaçants sont capturés de manière efficace, techniquement irréprochables. L’expressionnisme n'est pas bien loin par moments, avec ces contre-plongées, ces gros plans, ces cadres insolites. Il se dégage de ce rituel une authenticité angoissante, amplifiant l'effet de la séquence finale de sacrifice qui rappellerait presque l'effet de celle de The Wicker Man.

Les tambourinements résonnent encore longtemps après la fin du film.

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