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What a piece of work is a man!

Ovni satirique assez foutraque directement issu du cinéma britannique contestataire des années 80, Britannia Hospital fait avant tout l'effet d'un gros pavé dans la marre des institutions anglaises de l'époque. Et autant dire que vue la taille du pavé (et de la marre), les éclaboussures atteignent un sacré paquet de personnes...

De par la nature du lieu principal de l'action (le titre du film), on pense forcément à une charge dirigée à l'encontre du National Health Service, le système de santé publique au Royaume-Uni. Mais il ne faut pas croire que cette histoire complètement barrée de bout en bout, faite de simples fous et de dangereux psychopathes en tous genres, ne s'intéresse qu'au simple cas des professionnels de la santé et autres chirurgiens (mentalement dérangés, cela va de soit). Britannia Hospital s'ouvre sur un mouvement de grève orchestré par des syndicalistes assez peu scrupuleux et totalement étranger à la notion d'intégrité, et évolue à travers beaucoup d'autres strates institutionnelles. Les patients de l'aile privatisée dont les besoins et caprices semblent proportionnels à leur richesse ; les journalistes fantasques prêts à tout pour avoir leur scoop (scène assez hilarante avec Luke Skywalker défoncé à l'herbe et aux champignons hallucinogènes) ; la reine (systématiquement appelée par son acronyme en carton HRH, pour Her Royal Highness) et tout le protocole qui l'entoure, d'une envergure stupide, qui n'hésitera pas à s'introduire dans l'hôpital dans un cercueil lui-même à l'intérieur d'une ambulance pour franchir la barrière de grévistes ; et bien sûr les médecins, aux préoccupations pas vraiment orthodoxes, sur une variation de l'histoire de Frankenstein. Un joyeux bordel qui pète dans tous les sens.

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Tout cela alimente un chaos omniprésent, une cacophonie persistante à tous les étages de l'hôpital et à tous les niveaux du récit. Malcolm McDowell, assez éloigné du rôle d'Alex dans Orange Mécanique, navigue tant bien que mal en tant que journaliste sur les flots tumultueux de cette apocalypse, et parvient à pénétrer dans l'hôpital. Il ne ressortira pas tout à fait indemne de son enquête sur les pratiques douteuses du Professeur Millar, et c'est le moins que le puisse dire : la scène dans laquelle son corps en morceaux (remodelé selon les délires du chirurgien excentrique) se venge en mordant les doigts du néo-Frankenstein est aussi délirante que gore. Un gore qui surprend d'ailleurs, étant donné la relative sobriété du reste du film à ce niveau et jusqu'à ce moment-là. Dommage que Britannia Hospital, dans l'ensemble, manque de vraie structure porteuse ou de rythme durant la totalité des deux heures : on a parfois l'impression de regarder une succession de scénettes bigarrées plus qu'une œuvre homogène. Heureusement, le délire british barjot de l’ensemble ravage tout sur son passage et gomme ces petits défauts : dernière folie du film, une machine-cerveau prénommée Genesis que le professeur chtarbé (encore lui) présente à un parterre royal. De la cervelle déclamant du Hamlet jusqu’au bug, c'est à voir.

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What a piece of worke is a man! how Noble in
Reason? how infinite in faculty? in forme and mouing
how expresse and admirable? in Action, how like an Angel?
in apprehension, how like a God?
how like a God?
how like a God?
how like a God?

William Shakespeare, Hamlet, 1599-1602 (les quatre premiers vers seulement : le bégaiement vient de la machine dans le film, of course).

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