
La mort récente de Peter Bogdanovich aura eu un effet catalyseur et tristement bénéfique sur mon visionnage de sa filmographie, étant donné qu'un titre comme Broadway Therapy (She's Funny That Way) trotte dans mon esprit procrastinateur depuis 7 ou 8 ans. Je ne m'attendais à rien, et pourtant je ne m'attendais pas du tout à ça : une comédie sophistiquée farcie de références (on reconnaît bien le Bogdanovich cinéphile) chassant sur les terres de Woody Allen et dont un ressort comique essentiel du vaudeville centré sur Owen Wilson trouve son origine dans un film de Lubitsch, Cluny Brown — la réplique de Charles Boyer : "In Hyde Park, for instance, some people like to feed nuts to the squirrels. But if it makes you happy to feed squirrels to the nuts, who am I to say, "nuts to the squirrels?".
Si les références sont nombreuses, elles ne sont pas pour autant assommantes, et Bogdanovich a eu la délicatesse de les insérer en préservant la fluidité de l'ensemble. Les mises en abyme sont nombreuses, dès la confidence de Imogen Poots à une journaliste qui sert de base au récit, les croisements d'arcs narratifs sont omniprésents et vont crescendo avec en toile de fond la préparation d'une pièce de théâtre qui servira de défouloir hystérique : on pourrait penser, à la lumière de ce foutoir, que le film ne peut être qu'indigeste. Et de fait, elle le sera pour certains. Pourtant, She's Funny That Way est une comédie loufoque dont l'articulation complexe des différentes strates m'est apparue comme vraiment bien maîtrisée, avec un effet cumulatif au potentiel comique très appréciable.
C'est un style tout de même très singulier. Il faut apprécier Jennifer Aniston en psychanalyste hystérique, Rhys Ifan en comédien narcissique lubrique, un large panel de seconds rôles farfelus, et surtout Owen Wilson au centre des échanges en chef d'orchestre du loufoque. Bogdanovich investit une screwball revisitée, alimentée par un tissu de mensonges et d'imbroglios faisant intervenir moult escort girls, dans une cacophonie grandissante assez jubilatoire. Le chassé-croisé burlesque est d'une densité telle qu'il pourra se révéler excessif aux yeux de beaucoup, mais à titre personnel c'est le genre de comédies sophistiquées contemporaines (influencées par Lubitsch qui plus est) que je n'attendais plus.

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