
L'Homme-sandwich est plus la réunion de trois courts-métrages qu'un film à sketches comme il est souvent présenté, même si la thématique commune du Taïwan du milieu du XXe siècle pose un cadre unificateur se prêtant bien à l'exercice. Étonnamment le projet ne s'est pas embarrassé pour le titre de l'ensemble et a retenu celui du premier segment, réalisé par Hou Hsiao-Hsien (plutôt au début de sa carrière) dans un style très éloigné de ce qui fera par la suite sa réputation dans les années 1990 / 2000. Trois courts de 35 minutes environ, qui valent à mes yeux le détour avant tout pour l'ambiance qu'ils parviennent à retranscrire tant de la culture taiwanaise durant la Guerre froide, à une époque de développement économique sous l'influence états-unienne, que du renouveau cinématographique des années 1980 à travers la Nouvelle Vague taïwanaise — une autre anthologie en marque d'ailleurs les débuts : In Our Time, avec entre autres contributeurs Edward Yang.
Hou Hsiao-Hsien s'intéresse à la situation contraignante d'un jeune père de famille qui accepte un emploi d'homme-sandwich (une opération de publicité à destination d’un cinéma du village) pour subvenir aux besoins de sa famille, dans un accoutrement partagé entre le ridicule et le miséreux. Il est beaucoup question de l'image dégradée résultant de ce travail, déguisé en clown involontairement triste, qu'il renvoie à sa famille, sa femme et son enfant.
Chang Tseng-chai adopte quant à lui un ton beaucoup plus contrasté, avec des élans presque comiques dans les tribulations d'un duo qui essaie de vendre tant bien que mal des cocottes-minute, avec d'un côté une sorte de mystère poétique (une jeune fille à qui il offre un coquillage sculpté a toujours un chapeau vissé sur la tête et attise la curiosité d'un des deux) et de l'autre des sursauts dramatiques (une démonstration de l'utilisation de la cocotte tourne au drame).
Wan Jen termine le cycle en embrayant sur une confrontation plus directe avec la misère des banlieues, lorsqu'un homme se fait renverser par un responsable militaire américain et finit à l'hôpital. Symbole sans doute le plus évident du regard porté sur la situation nationale, au travers de la gêne exprimée par le personnage étranger (il y a beaucoup de questions diplomatiques derrière) et la joie procurée par l'argent obtenu en compensation ainsi que les pommes donnant leur nom au segment.


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