armee_de_l_empereur_s_avance.jpg, déc. 2020
The Act of Killing and Cannibalizing

Le malaise provoqué par le visionnage d'un documentaire comme L'armée de l'empereur s'avance s'apparente à celui d'un autre film, beaucoup plus célèbre : celui réalisé par Joshua Oppenheimer en 2013, The Act of Killing. Plutôt que de s'intéresser à un massacre de masse qui éradiqua le Parti communiste indonésien, l'objet ici est un incident à la fin de la Seconde Guerre mondiale survenu en Nouvelle-Guinée, au sein de l'armée japonaise. Deux camarades de Kenzo Okuzaki, le personnage au centre du film (un des rares survivants), furent exécutés pour d'obscures raisons sur lesquelles il s'efforcera de faire la lumière. Y compris en utilisant la violence ("violence is my forte" dira-t-il) et en témoignant une opiniâtreté sans égale...

Le docu commence par un mariage un peu étrange, avec un discours hallucinant de la part d'Okuzaki : il raconte comment il a été condamné pour le meurtre d'un courtier, pour son attaque à la fronde de l'empereur Hirohito (contre lequel il nourrit une hostilité impressionnante), ainsi que la diffusion d'images pornographiques de l'empereur lui-même... Un personnage bien singulier, dont on ne cernera pas tous les aspects à l'issue du documentaire, obstiné dans sa quête pour découvrir la vérité au sujet du meurtre de ces deux soldats japonais par des hauts gradés. Le docu se structure autour de la recherche de la vérité et le dévoilement de mensonges (en soulignant des contradictions, notamment) au gré des rencontres faites par Okuzaki, souvent à l'improviste, apparemment impréparées.

On se demande souvent quel est le niveau de mise en scène d'un tel témoignage. Le protagoniste semble tellement en roue-libre, le rapport entre le réalisateur et son sujet reste assez incertain, avec quelques passages douteux qui vont très loin (que l'on peut voir comme une forme de neutralité de la caméra). La révélation au sujet des cas de cannibalisme est quand même édifiante (avec un fameux "cochons noirs contre cochons blancs"), avec des pointes d'humour noir surréalistes (ils ne mangeaient pas les indigènes car ils couraient trop vite pour les attraper). Une exploration sur le thème de la mémoire de guerre et de la culpabilité souvent inconfortable, qui se termine sur un carton indiquant qu'Okuzaki reçut une peine d'emprisonnement de 12 ans à l'issue du film, pour tentative de meurtre sur (le fils de) un officier responsable de l'exécution de ses camarades plusieurs jours après la fin de la guerre.

mariage.jpg, déc. 2020