conquete-de-l-everest.jpg, mai 2020
"What they are carrying also is a dream that is turning ripe"

Ce documentaire de George Lowe qui relate l'exploit du néo-zélandais Edmund Hillary et le sherpa Tensing Norgay, les premiers à avoir réussi à atteindre le sommet de l'Everest le 29 mai 1953, ne parviendra étonnamment pas à se hisser au niveau de celui de J.B.L. Noel, The Epic of Everest, qui relata l'ascension (ratée, elle, puisqu'ils y sont encore enterrés / enneigés) par deux alpinistes britanniques, George Mallory et Andrew Irvine, trente ans plus plus tôt, en 1924. Il manque un souffle, un panache, quelque chose qui élève l'exploit au-delà de la pure contingence technique. Le film ne parvient tellement pas à construire son propre émerveillement que même le narrateur reprendra la formule de Mallory au sujet de ce qui anime ces alpinistes, et pourquoi ils s'acharnent à grimper sur le toit du monde : "because it's there".

Ainsi le documentaire en couleurs dresse un cadre très succinct du contexte de l'année 1953, marquée par deux grands événements dans le référentiel britannique : le couronnement de la reine Elizabeth, et l'ascension réussie de l'Everest, donc, présentée dans la même continuité de gloire et de fierté nationale. George Lowe passe un peu de temps pour essayer d'extraire la moelle technique et scientifique derrière l'exploit, en détaillant les préparatifs et l'équipement de pointe (pour l'époque, ce qui fait sourire bien évidemment) dont bénéficiera une partie des membres de l'expédition. Un court passage sera ensuite consacré à la vie des populations tibétaines dans un village traversé par l'expédition, en passant très rapidement sur le portrait à caractère sociologique. En ce sens, le film fait vraiment pâle figure comparé à la description que faisait L'Épopée de l'Everest d'une autre partie du Tibet, en dépit de l'approche très paternaliste qu'il adoptait. Dans le fond, la valeur de témoignage était bien plus importante, même si l'expédition de disposait pas de pellicules couleurs et même si elle n'insistait pas démesurément sur l'aspect collectif de l'exploit de Mallory et Irvine.

Pour le reste, avec ses schémas tracés à la main, The Conquest of Everest appuie sans doute un peu trop fortement sur la dimension de l'exploit et sur la nature constante de la lutte contre les éléments. Avec beaucoup d'emphase, aussi, en comparant le Col Sud de l'Everest à la lune, "a place outside of human experience", et en s’exclamant qu'en plus des lourds chargements sur le dos des sherpas, "what they are carrying also is a dream that is turning ripe". On s'extasie énormément devant le tissu en nylon résistant aux vents les plus puissants, la nourriture conditionnée sous vide, et les équipements légers en aluminium comme les échelles. On ne peut pas dire que l'enthousiasme soit du niveau d'un documentaire comme L'Expédition du Kon-Tiki, qui lui est pourtant contemporain et qui fut même produit 3 ans avant. Restent bien sûr quelques beaux passages sur l'ascension à proprement parler, quelques franchissements ardus d'immenses corniches, et pour unique image du sommet une photo de Hillary.

fin.jpg, mai 2020