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"Did ever any president come to his inauguration so like a thief in the night?"

Thriller surprenant (à l'échelle de la filmographie d'Anthony Mann, que l'on connaît davantage pour ses westerns et autres films de guerre) et saisissant (dans la tension qu'il parvient à embarquer à bord du train-décor du film) qui plonge immédiatement 90 ans avant sa sortie en 1951 : le contexte est précisé en introduction et porte sur des événements qui auraient eu lieu en 1861, connus sous la dénomination "Baltimore Plot" aux États-Unis. Il s'agit de tisser une fiction autour d'éléments qui accréditent la thèse d'une conspiration présumée visant à assassiner le président Abraham Lincoln, tout juste élu, au cours d'une tournée précédant son investiture à Washington. Dans la réalité, c'est Allan Pinkerton (fondateur de l'agence nationale portant son nom) qui a joué un rôle clé dans la gestion de la sécurité de Lincoln tout au long du voyage ; dans The Tall Target, c'est Dick Powell qui interprète le personnage de John Kennedy, un détective convaincu de l'attentat imminent et qui doit faire face à un scepticisme généralisé dans son entourage concernant ses intuitions afin d'empêcher un assassinat à bord du train reliant New York et Baltimore.

Encapsulé dans un suspense à la Hitchcock de la même époque (L'Inconnu du Nord-Express sort la même année à titre d'exemple), Mann y greffe quelques composantes de l'enquête à la Agatha Christie (Le Crime de l'Orient-Express n'est pas bien loin, au fond, même si le style n'a absolument rien à voir) pour observer les manifestations d'une très grande opiniâtreté chez le protagoniste, dans sa tentative de déjouer l'attentat présidentiel. Il y en aura, des embûches, sur son chemin, avec sa petite galerie de personnages secondaires un brin raides et monolithiques : ce jeune officier sudiste, en particulier, droit dans ses bottes, est un symbole à lui seul un peu artificiel dans son attitude glaciale du début à la fin. Heureusement que d'autres composantes plus nuancées viennent compléter le tableau, à l'image de Rachel (Ruby Dee), cette esclave se questionnant sur son hypothétique future liberté, ou encore ce militaire très opportuniste (Adolphe Menjou) cherchant à profiter de la situation autant que possible. Le Grand Attentat est aussi un peu le reflet de son époque, c'est-à-dire marqué par une certaine naïveté morale et une trop grande simplicité des valeurs — Lincoln, ce héros marmoréen intouchable, qui aura les derniers mots : "Did ever any president come to his inauguration so like a thief in the night?" — sans toutefois nuire de manière trop dramatique au déroulement de l'intrigue, prenante.

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