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La guerre, de l'insouciance à la nausée

Le Pont revêt a minima l'intérêt des films traitant de la Seconde Guerre mondiale dans un contexte particulier, selon une perspective singulière, à mes yeux : ici en l'occurrence, un point de vue allemand, et qui plus est dans les années qui ont suivi la fin du conflit. À ce titre le film de Bernhard Wicki constitue une pierre supplémentaire à l'édifice, déjà bien fourni, en abordant une autre thématique transverse, celle de la fin de l'adolescence sous la forme d'un récit d'apprentissage se déroulant dans des conditions assez brutales.

L'encart final le précise, il s'agit d'une histoire adaptée de faits réels (d'après le roman autobiographique de Manfred Gregor), ou comment une bande d'écoliers a été chargée de défendre un pont dans les derniers jours de la guerre, en avril 1945. Pour en arriver au final tragique qui mêle à l'horreur de voir des adolescents tuer et se faire trucider en retour le pathétique des ordres (le pont devait être détruit lors du passage des tanks américains, il était inutile de défendre une telle position), Die Brücke aura parcouru un très long chemin, un peu trop long parfois peut-être. Si la dernière partie est consacrée à cette séquence proprement guerrière, il en existe deux premières : d'abord, la plus longue, montrant d'un point de vue plutôt insouciant la vie de ces adolescents, essentiellement occupés par les filles et d'autres activités caractéristiques de leur âge (il n'y a pas d'âge pour m'enfin), et ensuite, la formation de ces enfants à la guerre en mode express — "express" à tous les niveaux, car cette partie dure 10 minutes et les enfants n'auront pas eu le temps d'apprendre grand-chose.

Il en résulte une tonalité évidemment pacifiste, antimilitariste (forcément quand on montre des mômes se faire trucider...), englobée par beaucoup de hasard, à l'image de la mort du sous-officier qui encadrait les jeunes et abattu suite à une méprise. Ce qui était un jeu pour eux devient soudainement quelque chose de très sérieux, et on vire à l'horreur de manière tout aussi inattendue. On joue à la guerre, puis on fait la guerre, dans un même mouvement. Un dépucelage militaire qui tourne ainsi en carnage, doublé d'un ridicule désarmant, voilà une vision de l'absurdité de la guerre assez rare.

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