On est en terrain connu, chez Kiarostami. En introduction, une discussion innocente captée de loin, à l'intérieur d'une voiture sillonnant la route poussiéreuse qui serpente en lacets le flanc d'une montagne aux couleurs magnifiques, parsemée de quelques arbres. Un "ingénieur" de la ville arrive dans un petit village isolé et les habitants ignorent tout des raisons de sa venue. On comprendra plus tard qu'il s'agit d'un journaliste venu dans le coin pour documenter la mort d'une vieille femme malade — et elle n'en finit pas de ne pas mourir — en prétextant auprès des locaux une vague recherche de trésor dans les environs. Kiarostami montre l'attente de cet homme dans toute sa composante burlesque, avec des allers-retours incessants entre le village, une colline proche et le cimetière éloigné. Il se plaît à suivre avec sa caméra, de loin, les déplacements des villageois dans cet entrelacs de ruelles, de maisons, de tunnels, de passages, de passerelles, de portes et de toits. Un labyrinthe dans lequel tous les gens extérieurs semblent se perdre, en essayant de comprendre l'organisation du village ou en essayant de capter le réseau téléphonique — avec un comique de répétition un brin lourdingue, mais d'une naïveté sincère et touchante.
On reconnaît très bien le geste de Kiarostami dans sa façon de filmer l'enfance, dans son rapport à l'école et aux adultes. Les enfants sont partout dans les films du réalisateur iranien et semblent évoluer dans un monde parallèle à celui des adultes. L'argument du film est sans doute l'un des plus simples de sa filmographie (si l'on excepte ses courts-métrages, parmi lesquels figurent des monuments de didactisme très curieux), mais il a ceci de renversant que la simplicité imposée comme une contrainte par la censure nationale débouche sur une forme de subtilité insoupçonnée, pour peu qu'on soit sensible à ce jeu sur la variation. Il y a un homme qui s'agite, qui téléphone bruyamment, qui fouine un peu partout dans le dédale naturel du village sans trop bousculer la tranquillité des environs — on parvient même à capter une conversation étonnante entre un homme et une femme, à la terrasse d'un café, sur la fameuse "troisième partie de la journée avec le troisième travail". Il repartira sans avoir beaucoup appris. Du vagabondage à l'état pur, une invitation à la contemplation dans ces régions hautement photogéniques, un petit arrière-goût d'espièglerie et de malice pour pointer de manière furtive un certain péché d'orgueil, et ce tableau composé de paroles et d'impressions pour garnir une parabole poétique. Comme le dira le médecin à moto, "préférez le présent aux promesses, c'est de loin que le son du tambour parait mélodieux".
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