Je classe Les Amants dans la catégorie des films désuets, tendance romance vieille France, qui ont conservé malgré tout un certain charme. La façon qu'a Louis Malle de décrire le carcan bourgeois dans lequel est enfermée la protagoniste Jeanne Moreau a absolument toutes les caractéristiques des clichés en la matière : la femme est mariée à une homme beau et riche, c'est une mère au foyer qui s'ennuie dans son immense et luxueux château, elle fait régulièrement des allers-retours à Paris pour rendre visite à son amie et passer du temps avec son amant qui pratique le polo, et le tout est abordé avec un recours récurrent à une voix off tout ce qu'il y a de plus artificiel en matière de mélancolie littéraire adaptée au cinéma.
Mais il y a des formes de désuétude plus appréciables que d'autres, et ici le plaisir passe par cette façon de mettre en scène la rencontre (certes bien tardive, après une heure de lenteurs descriptives un peu pénibles à surmonter il faut le reconnaître) avec un homme qui n'appartient pas aux mêmes sphères qu'elle, sans conséquence dans un premier temps mais à l'origine d'un dérèglement qui poussera assez loin le désir d'émancipation. Même la scène du repas avec tous les représentants masculins est composée de manière rigide, avec le mari à droite, l'amant à gauche, et le nouveau venu au milieu de l'écran, les trois formant un triangle un peu trop parfait.
Pour l'époque il y a également pas mal de partis pris concernant la liberté féminine qui sont surprenants, à commencer par le plaisir frontal qu'éprouve la protagoniste au cours d'un adultère dont le rapport sexuel est filmé très originalement — avec un gros plan sur les poils sous les bras pendant l'orgasme très bien vu. Le film fit scandale à l'époque et des tentatives de censure eurent lieu contre une telle licence de mœurs. Reste qu'il persiste une ambiance très affectée autour du milieu bourgeois superficiel, avec une forme de gravité et des dialogues romantiques qui peuvent s'avérer artificiels, dans une certaine mesure compensés par la pertinence du discours.
5 réactions
1 De Gilles - 15/06/2023, 11:40
Les amants et ses poils sous les bras sonnent le 1111ème billet publié sur le site (dont 1023 publiés par toi, Renaud ;-) Alors
Joyeuse mille cent onzième publication
et longue vie à Je m'attarde !
avec prochainement un petit nouveau qui se reconnaitra, on a hâte en tout cas de lire sa chronique longuement travaillée sur les Œuvres complètes d'Edgar Allan Poe ;)
2 De Renaud - 15/06/2023, 20:35
Oh, c'est un joli anniversaire haha. Je ne sais pas comment tu as fait pour voir ça au bon moment ! Longue vie à Je m'attarde ! (la nouvelle devise)
3 De Gilles - 16/06/2023, 11:50
Le pur hasard ! Je prenais hendécaféiné devant le site quand tout à coup cette révélation m'est soudainement apparue.
A la fréquence des anniversaires qu'on célèbre ici, le prochain sera pour l’occasion du 2222ème billet avec une foule de fans en délire ! :)
4 De Gilles - 16/06/2023, 12:00
Je me suis dit que tu avais choisi un plan sur les berges du Canal du Midi. Sauf que c'est en Bourgogne :)
5 De Renaud - 16/06/2023, 15:25
Hahaha, en route pour le 2222ème alors, rendez-vous dans 10 ans. :D
Eh non ce n'est pas un canal de sudiste (ça aurait pu être dans le Lauragais ou le Minervois c'est clair), c'est en effet quelque part entre Dijon et Paris !